Les malheurs des Grecs frappés par la crise, pas plus que les problèmes des Espagnols ou des Italiens, n'émeuvent guère les Lettons qui ont dû se résigner très vite à subir l'austérité lors de la dépression de 2008-2009.
"Si vous êtes habitué à un haut niveau de vie, cela doit sembler dur quand ça va un peu moins bien. Mais si vous n'avez jamais eu la vie facile, vous n'êtes pas aussi surpris dans les périodes difficiles", dit à l'AFP Inita Radzina.
Cette mère célibataire avec sept enfants à charge, a galéré deux ans au chômage à cause de la crise. Elle est partie seule en Irlande dans l'espoir de trouver du travail.
"J'ai passé trois mois là-bas en pleurant tous les soirs", se rappelle-t-elle.
De retour chez elle, à Cesis (nord-est), une ville de 15.000 habitants ravagée par la crise, elle vient de retrouver du travail dans une garderie d'enfants gérée par la municipalité.
"C'est dans notre caractère national de lutter pour survivre sans se plaindre", assure-t-elle.
En 2008-2009, l'économie de la Lettonie s'est contractée de 25%, la pire récession dans le monde.
La nationalisation de la Parex Banka, la plus grande banque du pays à capital letton, a contraint Riga à un programme d'austérité draconienne, accompagnant un prêt de 7,5 milliards d'euros de l'Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI).
Des coupes claires ont été opérées dans les dépenses sociales, les salariés du secteur public ont vu leur salaires réduits de 30%, beaucoup ont perdu leur emploi et le taux de chômage a culminé à 20%.
Mais la croissance est revenue: en 2011, le PIB a progressé de 5,5%, et au premier trimestre 2012, de 6,9% en rythme annuel, le taux le plus élevé des pays de l'UE.
La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, considère la politique d'austérité menée en Lettonie comme un modèle à suivre pour les pays de l'UE en crise, à laquelle les Européens s'efforceront d'apporter une réponse lors du sommet de Bruxelles, jeudi et vendredi.
Le maire de Cesis, Girts Skenders, a géré avec pragmatisme l'austérité dans sa ville: "Nous avons dû couper notre budget d'environ 30%. Les employés municipaux ont accepté des réductions de salaire pour éviter de perdre leur travail".
Les plaintes des Grecs, qui jugent impossible de vivre avec une retraite de 500 euros par mois, laissent les Lettons perplexes car dans ce pays le niveau moyen des retraites est de 186 lats (266 euros) par mois.
"Il faut être réaliste, la crise nous a confrontés à la réalité, ce sera peut-être la même chose pour eux", déclare Girts Skenders.
Juris Baranovskis, un avocat qui a ouvert son cabinet en 2011 à Cesis, renchérit: "La crise a rendu les gens plus créatifs (...) c'est le bon moment et ici c'est le bon endroit pour créer son entreprise".
Magnus, une pépinière d'entreprises créée à Cesis avec l'aide de l'UE, a vu son activité dopée par la crise et elle aide actuellement 80 jeunes pousses à démarrer.
"Pour certains, la seule solution, c'est de créer sa propre entreprise", souligne Agris Lapins, le directeur de Magnus.
Un de ses grands succès a été le café Karumlade dans la rue principale de la ville.
Les deux femmes qui tiennent ce café, Vineta Zamoidika et Alla Oldermane, ont commencé à produire des pâtisseries chez elles le soir. Encouragés par les commentaires élogieux des connaisseurs, elles se sont décidées à ouvrir leur commerce et ont dû s'agrandir après deux ans.
Marta Matisone, 22 ans, a créé sa petite entreprise de fabrication de sacs à main, mais elle rêve de s'établir en France.
Avec la crise, bon nombre de Lettons sont partis chercher du travail à l'étranger.
"En Lettonie, les gens ne manifestent pas. Leur façon à eux de protester, c'est quitter le pays", commente Edvins Puke qui s'est retrouvé avec seulement une douzaine d'autres mécontents pour protester devant le Parlement letton le 14 juin contre le recul de l'âge de la retraite de 62 ans à 65 ans.
La population de la Lettonie, membre de l'UE depuis 2004, a diminué à 2 millions d'habitants en 2011, contre 2,2 millions en 2000.