Les mois se suivent et se ressemblent pour le déficit commercial de la France, qui n'en finit plus de s'enfoncer et a battu en mai un nouveau record, malgré la multiplication des plans de soutien à l'export.
"Ce qui se passe est très grave", a reconnu jeudi le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur Pierre Lellouche, insistant sur le "problème de compétitivité" de l'économie française.
A 7,42 milliards d'euros, le déficit aggrave encore un peu sa précédente pire performance, enregistrée le mois précédent lorsqu'il avait franchi pour la première fois le seuil des sept milliards (7,17).
Le déficit cumulé des 12 derniers mois s'établit à 63,42 milliards.
Le commerce extérieur français file donc à toute vitesse vers une nouvelle année noire après le solde négatif de 2010 (-51,5 milliards). En 2011, le déficit devrait même battre, et de loin, le record de plus de 55 milliards atteint en 2008, au plus fort de la crise.
Alberto Balboni, du cabinet d'études Xerfi, prévoit un chiffre proche des 70 milliards, qui devrait peser sur la croissance.
"L'environnement économique actuel ne laisse pas présager d'amélioration", prévient l'économiste, qui énumère les facteurs négatifs: ralentissement du commerce mondial, prix de l'énergie "à des niveaux historiquement élevés", et un euro fort par rapport au dollar, qui pénalise les exportations.
Selon les Douanes, qui ont publié jeudi le bilan mensuel, cette énième contre-performance est due à une hausse des importations, notamment énergétiques, et une "relative atonie" des exportations.
"Le mauvais résultat est dû en partie à la faible tenue des exportations aéronautiques", relève le président de l'assureur-crédit Coface, François David.
"Le paradoxe, c'est qu'Airbus vient d'engranger une moisson de commandes sans précédent au Salon du Bourget, mais cela n'apparaîtra dans les chiffres du commerce extérieur qu'à la livraison des appareils, dans quelques années", ajoute-t-il. "Nous sommes en train de semer quelques graines pour l'avenir."
Mais pour Alberto Balboni, c'est aussi la "preuve d'une certaine +aérodépendance+ de la France": "l'aérospatial représente plus de 10% des exportations françaises et tout ralentissement de ses performances a un effet très significatif".
Surtout, ajoute-t-il, la dégradation de la balance commerciale depuis le début de l'année est moins due à la facture énergétique qu'à une hausse du déficit de l'industrie manufacturière.
Les raisons sont, selon les experts, structurelles.
De toutes les grandes économies industrialisées hormis le Japon, la France est "celle qui a affiché la plus faible croissance de ses exportations après le creux de la crise", constate Alberto Balboni.
Pourtant, elle a multiplié les plans, les campagnes et les mesures pour enrayer son déclin commercial.
"Les plans à l'export jouent sur l'accompagnement", explique François David. "Or le vrai sujet, c'est d'avoir des PME plus grosses et plus performantes à l'export. Et ça, c'est plus compliqué car il y a beaucoup de freins au développement des PME, juridiques, fiscaux, en matière de transmission d'entreprises, etc."
Pierre Lellouche est encore plus tranché. "Très longtemps, les faiblesses de notre commerce extérieur ont été masquées par les grands contrats (centrales nucléaires, armement, aérospatial, trains...)", souligne-t-il.
"Mais beaucoup de nos technologies ont été transférées et les clients d'hier sont devenus les compétiteurs d'aujourd'hui", ajoute-t-il. Résultat: "il y a moins de choses à vendre, il n'y pas plus le cache-sexe qu'étaient les grands contrats".