Malgré des fleurons tricolores comme Ubisoft ou Gameloft, l'industrie des jeux vidéos perd des emplois en France et est menacée par des délocalisations, s'alarme un rapport du Sénat présenté mardi qui offre des pistes pour remuscler ce secteur.
Alors que la France a été un pays précurseur du jeu vidéo, ce secteur ne représente plus aujourd'hui que quelque 5.000 emplois directs, contre 15.000 il y a quinze ans, lorsque cette industrie connaissait son "âge d'or", selon les chiffres du Syndicat national des jeux vidéo (SNJV).
Handicapé par un manque d'accès aux financements, le secteur est menacé par "une fuite des cerveaux", notamment vers le Canada qui offre des ponts d'or aux développeurs de jeu, soulignent les sénateurs André Gattolin (écologiste) et Bruno Retailleau (UMP) dans leur rapport d'information "Jeux vidéo: une industrie innovante pour nos territoires".
"Montreal est devenu le Hollywood du jeu vidéo", a souligné M. Retailleau, lors de la présentation du rapport à la presse.
Le Canada a ainsi réussi à faire exploser à 15.000 les emplois dans ce secteur grâce notamment à une politique fiscale attrayante et une prime à l'embauche, relèvent les rapporteurs.
Les sénateurs suggèrent "la taxation de l'ensemble des jeux vendus neufs sur le marché physique" en France afin de pouvoir davantage aider le secteur. Le prélèvement, qui représenterait "un montant de quelques centimes ou dizaines de centimes par jeu", "viendrait alimenter un fonds géré par le CNC", selon le rapport.
Cette taxe ne toucherait pas les jeux vendus en ligne, ni les jeux d'occasion, précisent les auteurs.
Les sénateurs proposent également la mise en place d'un fonds participatif, financé par la banque publique d'investissement (BPI), qui servirait de levier pour des financements complémentaires.
Ils préconisent aussi un "guichet unique" pour les aides au secteur, qui pourraient être renforcées. Enfin, face aux difficultés de distribution des petits éditeurs, les rapporteurs proposent la création d'une plateforme visant à promouvoir et distribuer les jeux "made in France".
"La question de l'emploi est centrale", mais les jeux vidéo représentent aussi "la première pratique culturelle des Français, on ne peut pas laisser ce secteur au bord de la route", relève M. Gattolin.
Hécatombe
Aujourd'hui les Français sont 60% à jouer aux jeux vidéos, de plus en plus sur leur mobile. Et l'âge moyen des joueurs est 35 ans, même si les plus jeunes représentent le public le plus accro.
Mais face à des coûts de développement et de marketing qui se chiffrent en centaines de millions d'euros pour les plus gros jeux et une concurrence effrénée, si les plus gros acteurs comme Ubisoft ou Gameloft s'en sortent, les plus petits souffrent.
En 2011 les petits studios français ont subi une hécatombe et au début 2013 c'est le distributeur de jeux vidéo Game (200 boutiques) qui a déposé le bilan.
La France, qui représente 5% à 7% du marché mondial des jeux vidéo, reste cependant en volume, soulignent les sénateurs, le deuxième producteur derrière les Etats-Unis et garde d'importants atouts, notamment ses écoles d'art ou dédiées aux jeux vidéo.
"On a des ingénieurs d'une qualité exceptionnelle et des artistes d'exception, il n'est donc pas normal que la France ne soit plus un leader du secteur", a observé Nicolas Bensignor, membre du conseil d'administration du SNJV.