Le marché de la dette en Europe a vécu une séance mouvementée mercredi avec une envolée des coûts de financement pour l'Espagne, en pleine crise bancaire, et pour l'Italie, victime collatérale de la défiance des marchés.
Concrètement sur le marché obligataire --là ou s'échange les obligations d'Etat (titres de la dette) -- les taux à 10 ans de l'Espagne, atteignaient mercredi vers 17H30 (15H00 GMT) près de 6,7%, des niveaux proches des records historiques de l'automne dernier. Les taux évoluent en sens inverse de la demande.
L'Italie n'était pas mieux lotie et devait payer près de 6% en taux d'intérêt pour que des investisseurs achètent ses obligations à 10 ans.
A l'inverse, des records à la baisse ont été battus sur les taux des obligations allemande et britannique, qui jouent un rôle de valeur refuge dans un marché tétanisé par cette nouvelle aggravation de la crise de la dette en Europe.
Ainsi les taux à 10 ans de l'emprunt allemand, référence du marché, atteignaient 1,270% à la même heure, nouveau record absolu à la baisse depuis la création de la zone euro. Les taux de l'emprunt britannique de même échéance, le Gilt britannique, qui profite de statut hors de la zone euro, ont égalemnt battu un record à la baisse. Vers 17H30 (15H30 GMT), ils s'inscrivaient à 1,650%. Du coup, l'écart de taux entre les emprunts allemands et espagnols, qui mesure la prime de risque que doit acquitter Madrid pour attirer des investisseurs, n'a jamais été aussi élevée.
Quant à la dette française, entre deux-eaux, elle a souffert mercredi d'une légère remontée des taux avant de redescendre à 2,490% à la même heure. La Commission européenne a mis en garde mercredi contre le déséquilibre commercial et la perte de compétitivité de la France.
Mais le gros point noir reste l'Espagne. L'escalade sur les taux espagnols a commencé il y a quelques jours quand les marchés ont appris que la troisième banque du pays en terme d'actifs, Bankia avait besoin d'une aide de 23,5 milliards d'euros, dont 19 restent encore à trouver.
"Aussitôt les marchés se sont affolés, estimant que la situation de l'Espagne se fragilisait encore davantage et qu'il devenait ainsi très risqué de lui prêter de l'argent, d'ou leur exigence d'avoir des rendements élevés", indiquent les stratégistes obligataire chez Natixis. L'exemple de la déroute de la Grèce multiplie par ailleurs les craintes des marchés.
"Le problème est que le risque bancaire dans le cas de l'Espagne est totalement corrélé au risque souverain (lié à la dette publique) et tant que ces deux éléments seront liés les taux vont continuer à monter", souligne René Defossez, stratégiste chez Natixis.
Isabelle Esnos, directrice adjointe de la gestion chez B* Capital (groupe BNP Paribas), précise que ce sont les actifs immobiliers qui sont à l'origine de la déroute du système bancaire et tant que ce dossier ne sera pas réglé, l'Espagne aura du mal à s'en sortir.
Les difficultés de l'Espagne débordent sur l'Italie voisine, troisième économie de la zone euro. Pour attirer les investisseurs, Rome doit consentir des taux de près de 6%, des niveaux qui, comme pour l'Espagne, sont difficilement supportables sur le long terme.
"Un cercle vicieux est ainsi en train de s'installer. Au lieu de consacrer leurs recettes fiscales à venir en aide à la population, à créer des emplois, redresser les entreprises ... ces deux pays consacrent une partie de leurs revenus au paiement de la charge de la dette et les risques de rétablissement de leurs économies s'éloignent d'autant", souligne M. Defossez.
La zone euro souffre d'une défiance généralisée qui se manifeste également par une chute de la devise européenne par rapport au dollar.