Les députés espagnols ont approuvé mardi l'examen d'une révision constitutionnelle controversée destinée à garantir la stabilité budgétaire, la fameuse "règle d'or" réclamée par Paris et Berlin, dans un effort pour rassurer les marchés, en pleine crise de la zone euro.
Réunis en session extraordinaire, les membres de la chambre basse du Parlement ont voté à une écrasante majorité (319 voix pour, 17 contre) en faveur d'un examen d'urgence de la réforme, avant la dissolution du Parlement le 27 septembre, en prévision des élections législatives anticipées du 20 novembre.
Les députés se retrouveront vendredi pour donner leur feu vert au texte. Ils transmettront ensuite le projet aux sénateurs, appelés à voter la semaine prochaine.
L'approbation du texte, qui vise à inclure dans la Constitution le principe d'une limite du déficit public, est quasi-assurée, le Parti socialiste au pouvoir (PSOE) et le principal parti d'opposition de droite, le Parti Populaire (PP), ayant noué un accord en ce sens.
L'Espagne deviendra ainsi le premier pays à répondre à l'appel lancé le 16 août par la France et l'Allemagne, qui ont souhaité que les 17 pays de l'eurogroupe adoptent avant l'été 2012 la "règle d'or" visant à l'équilibre budgétaire.
Berlin l'a incluse en 2009 dans sa Constitution, tandis que l'Italie et la France ont aussi ce projet.
La Commission européenne a qualifié la décision des députés espagnols de "démarche positive" qui "ne fait que souligner l'engagement des autorités espagnoles à garantir la soutenabilité à long terme des comptes publics", lançant un appel du pied aux autres pays à suivre l'exemple.
Pour Madrid, la révision constitutionnelle, qui s'accompagne d'une loi organique (devant être votée d'ici à juin 2012) incluant une limite chiffrée à 0,4% du PIB, doit servir de vaccin face à des marchés financiers toujours sceptiques quant à la solidité du pays.
"Il n'y a pas de meilleure manière de dissiper les incertitudes que d'élever au rang institutionnel le principe de stabilité budgétaire pour affirmer devant le monde entier une réalité claire : nous sommes un pays qui rembourse ses dettes, et il ne peut y avoir aucun doute à ce sujet", a martelé le porte-parole du groupe socialiste, José Antonio Alonso.
"L'équilibre budgétaire n'est plus une option, c'est un devoir public, c'est une obligation constitutionnelle", a renchéri son homologue du PP, Soraya Saenz de Santamaria.
Pour Soledad Pellon, de la maison de courtage IG Markets, la réforme sera "bénéfique à l'extérieur" car elle "donne la certitude que (le pays) prend des mesures effectives pour assainir ses comptes au plus tôt".
Mais "cela limitera totalement le gouvernement dans sa politique budgétaire", ce qui "à certains moments peut être contre-productif".
Ce manque de marge de manoeuvre pour relancer l'économie, ainsi que la procédure d'urgence adoptée, ont suscité de vives critiques, au sein même du parti socialiste.
La ministre de la Défense Carme Chacon a implicitement appelé lundi à un référendum, soulignant qu'il existe "à juste titre une demande sociale de plus de participation populaire dans les grandes décisions politiques".
Une pétition sur internet en ce sens recueillait mardi après-midi près de 120.000 signatures.
Les deux principaux syndicats, CCOO et UGT, ont appelé à une "grande manifestation" le 6 septembre à Madrid contre le projet, ainsi qu'à des rassemblements dans plusieurs villes mercredi et jeudi.
Dès mardi après-midi, une centaine d'"indignés", le nom donné aux participants au mouvement de citoyens né mi-mai de l'exaspération face à la crise, ont manifesté près du Parlement pour exiger un référendum et dénoncer cette révision de la Constitution ainsi que le "diktat des marchés". Ils avaient déjà été plusieurs milliers à défiler dimanche dans l'ensemble de l'Espagne.
Certains partis minoritaires pourraient obtenir, en vertu de la loi, un référendum s'ils mobilisaient au moins 10% des députés ou des sénateurs.