Les dirigeants européens ne sont pas parvenus mercredi à lever les obstacles pour lutter efficacement contre la fraude fiscale, mais tablent sur un accord d'ici la fin de l'année pour une levée partielle du secret bancaire.
A l'issue d'un sommet inhabituellement court, les 27 n'ont pas pris de décision concrète mais ont établi un calendrier. Ils pourront ainsi se présenter moins désunis au G8 qui se tiendra mi-juin en Irlande du Nord.
Il y a "un consensus sur la révision de la directive épargne", qui devrait élargir le champ d'application de l'échange automatique d'informations sur les revenus de l'épargne. "Le Conseil appelle à son adoption avant la fin de l'année", a déclaré le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, à l'issue du sommet.
"C'est un très, très grand pas en avant", a estimé la chancelière allemande, Angela Merkel.
"Dès le mois de juin, l'Europe fera en sorte de favoriser les échanges automatiques d'information", a déclaré le président français François Hollande. Ensuite, quoi qu'il arrive, "la directive épargne sera adoptée à la fin de l'année", a-t-il assuré.
Le Luxembourg et l'Autriche bloquaient depuis 2008 l'adoption de cette directive révisée, arguant qu'ils voulaient avant tout être traités sur un pied d'égalité avec d'autres pays comme la Suisse.
"Fiscalité zéro"
Mercredi, les deux pays ont montré des signes de bonne volonté.
"D'ici la fin de l'année, je pense que nous aurons l'échange automatique d'informations et que des règles supplémentaires seront mises en place avec les pays tiers" comme la Suisse, a déclaré le chancelier autrichien, Werner Faymann, dont le pays est pourtant un farouche défenseur du secret bancaire.
Le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a déclaré que pour son pays, le plus important était l'ouverture de négociations avec les pays tiers, parmi lesquels se trouvent aussi le Liechtenstein, Monaco, Andorre et Saint-Marin.
Les négociations avec ces cinq pays ne sont "pas une précondition", a affirmé M. Juncker, qui a rappelé que son pays avait déjà accepté début avril d'appliquer l'échange automatique d'informations à partir du 1er janvier 2015 sur certaines données bancaires.
Les négociations avec les pays comme la Suisse "vont commencer dès que possible pour faire en sorte que ces pays continuent d'appliquer des mesures équivalentes à celles appliquées dans l'UE", selon les conclusions du sommet. Les discussions seront menées par la Commission européenne.
Elle fera par ailleurs des propositions en juin pour élargir encore le champ de l'échange automatique d'informations à d'autres revenus des particuliers.
Concernant la fiscalité des entreprises, "il est tout à fait décisif qu'il y ait une lutte contre l'optimisation fiscale", qui "n'est rien d'autre que la recherche de la fiscalité zéro pour un certain nombre de groupes", a indiqué M. Hollande lors de sa conférence de presse.
Une polémique enfle sur l'absence d'harmonisation fiscale internationale, qui permet à des multinationales comme Google ou Amazon de payer des impôts dérisoires.
Contradictions
En dépit de ces avancées, le sommet de mercredi n'est que de la "gesticulation", a lancé l'eurodéputé belge Philippe Lamberts (Verts). Selon lui, "il n'y a clairement pas de volonté politique" d'avancer sur le dossier fiscal et le risque est grand que le sommet de décembre ne débouche sur rien.
Sur l'autre sujet du sommet, l'énergie, les chefs d'Etat et de gouvernement ont affiché leur volonté d'unir leurs efforts pour réduire leur facture énergétique. "Nous pouvons faire beaucoup de choses si nous agissons ensemble", a déclaré le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.
L'UE vise un triple objectif: garantir des prix abordables pour les clients, réduire la facture des importations et assurer une production domestique continue, mais elle se retrouve confrontée à ses contradictions.
"Les dirigeants de l'UE veulent faire plus d'Europe avec moins d'argent. Il faut qu'ils expliquent comment ils comptent faire", a estimé un responsable européen sous couvert de l'anonymat.
Les chefs d'Etat et de gouvernement ont aussi "brièvement" discuté de la Syrie, réaffirmant leur "engagement en faveur d'une solution politique", selon M. Van Rompuy, et renvoyant à leurs ministres des Affaires étrangères la question du régime de sanctions qui prend fin début juin.