PARIS (Reuters) - Le rythme trop élevé de la consolidation budgétaire a plombé la croissance et l'emploi en France dans les premières années du quinquennat de François Hollande mais l'inflexion vers une politique de l'offre à partir de 2014 lui permet de terminer sur une note plus positive, estime l'OFCE.
Dans un bilan publié lundi, l'Observatoire français des conjonctures économiques estime que l'assainissement des finances publiques françaises aura eu un effet récessif de 0,8 point de PIB en moyenne par an entre 2012 et 2016, un niveau d'autant plus élevé que plusieurs autres pays européens étaient engagés simultanément dans des efforts similaires.
L'objectif était de ramener le déficit public sous 3% du PIB (contre 5,1% fin 2011) pour stabiliser la dette de la France, avec un échéancier que la Commission européenne a accepté de repousser de deux ans jusqu'en 2017, dans le but d'éviter qu'elle n'atteigne 100% du PIB.
Dans un premier temps, le gouvernement a choisi d'agir par la seule hausse des prélèvements obligatoires, une politique lancée dans les derniers mois du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
L'impact total des mesures votées en 2012 et 2013, qui a porté le taux de prélèvements obligatoires à des niveaux records (44,8% du PIB) est estimé par l'OFCE à 52 milliards d'euros (16 milliards sur les entreprises et 32 milliards pour les ménages).
Alors que François Hollande évoquait la possibilité d'une inversion de la courbe du chômage dès 2013, l'institut de conjoncture estime que l'ampleur de ce choc fiscal "n'était pas compatible avec une baisse du chômage au cours de la première moitié du quinquennat".
"Une stabilisation de la dette publique était nécessaire, mais la question c'était le rythme de réduction des déficits", a déclaré Xavier Ragot, président de l'OFCE, lors de la présentation de l'étude.
"Une hausse des prélèvements obligatoires plus faible aurait maintenu l'activité économique, augmenté le PIB et l'emploi et aurait permis de stabiliser la dette sans avoir cette hausse importante du chômage à court terme", a-t-il ajouté.
DYNAMIQUE PLUS POSITIVE
A partir de 2014, la mise en place d'une politique de l'offre, incarnée par le crédit d'impôt compétitivité emploi et le pacte de responsabilité, s'est accompagnée d'une nouvelle stratégie de lutte contre les déficits concentrée sur la maîtrise de la dépense.
Et les baisses de charges et de fiscalité en faveur des entreprises ont permis de plus que compenser la hausse de début de quinquennat, alors que la fiscalité des ménages a continué de progresser, notamment sous la forme de la hausse de la TVA.
Au total, l'OFCE estime que, sur l'ensemble du quinquennat, les nouveaux prélèvements représenteraient 27 milliards d'euros : +35 milliards pour les ménages, dont le pouvoir d'achat est aujourd'hui inférieur de 350 euros par rapport à 2012, -20 milliards pour les entreprises et +13 milliards qui ne peuvent être répartis entre ménages et entreprises.
Leur atténuation, combinée aux premiers effets positifs de la politique de l'offre, a permis à la croissance française de se rapprocher des niveaux de la zone euro depuis la fin 2015, après deux années à la traîne.
"Les politiques de compétitivité et de soutien aux entreprises ont des effets faibles à court terme et importants à long terme, tandis que les politiques de hausse d'impôt ont des effets importants à court terme, pour décroître progressivement", explique l'OFCE.
Côté entreprises, cette politique s'est traduite par un rétablissement de leur taux de marge, qui a retrouvé cette année ses plus hauts du début des années 2000, et un redémarrage de l'investissement.
Mais dans le même temps, l'emploi, au plus mal entre 2012 et 2014, connaît "un trop lent rétablissement", note l'institut, qui anticipe que, sur l'ensemble du quinquennat, le nombre de chômeurs au sens du BIT augmenterait de 100.000 malgré 720.000 créations d'emplois.
En intégrant le sous-emploi, les chômeurs découragés et le temps partiel subi, ce sont près de six millions de personnes qui sont aujourd'hui fragilisées vis-à-vis de l'emploi, soit 440.000 de plus qu'au début du quinquennat, ajoute-t-il.
En conclusion, il juge que "la France de 2017 devrait se retrouver dans une dynamique économique plus positive qu'en 2012, même si la fragile reprise ne doit pas occulter les difficultés persistantes du pays, en matière de commerce extérieur et de chômage".
(Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse)