L'avionneur européen Airbus espère s'appuyer sur son implantation aux Etats-Unis pour gagner de futurs contrats militaires dans le pays mais il lui faudra s'armer de patience pour arriver à ses fins, estiment des experts.
Le groupe semble avoir tiré les leçons de son échec essuyé en 2011 face à Boeing (NYSE:BA) sur une commande colossale de 35 milliards de dollars portant sur des avions ravitailleurs pour l'armée américaine.
"L'une des difficultés que nous avons rencontrées lors de la bataille des ravitailleurs était que nous disions +Oui nous allons produire aux Etats-Unis. Oui, nous allons assembler des avions aux Etats-Unis+. Comment pouvait-on nous croire alors que nous n'avions jamais produit sur le territoire américain. Nous étions peu crédibles comparé à des entreprises qui étaient installées sur le sol américain depuis des dizaines d'années", explique à l'AFP Tom Enders, le patron d'Airbus Group (PARIS:AIR).
L'inauguration lundi de la première unité d'assemblage du groupe aux Etats-Unis, à Mobile (Alabama, sud), ne fait donc "pas de mal", ajoute le dirigeant même si celle-ci est dédiée pour l'instant uniquement aux avions civils.
Pour Hans Weber, qui a conseillé EADS, l'ancêtre d'Airbus Group, "il y a eu des appels d'offres auxquels le groupe n'avait même pas pris part après s'être rendu compte qu'il n'avait pas assez de soutien politique" local.
Si le constructeur européen a réussi à combler une partie de son retard face à Boeing dans le civil - 60% de parts de marché contre 40%, selon ses chiffres -, il est encore à la traîne sur le plan militaire.
Or les Etats-Unis représentent plus de 35% des dépenses militaires dans le monde, selon Hal Chrisman, expert au cabinet ICF International.
En 2014, le Pentagone a octroyé pour 286,41 milliards de dollars de contrats à une centaine d'entreprises américaines et étrangères.
Les américains Lockheed Martin (25,3 milliards de dollars), Boeing (18,2 milliards) et General Dynamics (13,6 milliards) ont été les grands vainqueurs. Le premier groupe étranger est le britannique BAE Systems (LONDON:BAES), qui arrive huitième avec des contrats totalisant 4,9 milliards de dollars.
Airbus ne pointe qu'à la 84e position avec 309 millions de dollars. Airbus Helicopters (ex-Eurocopter), qui a une usine américaine, est parvenu, lui, à s'imposer sur le marché des hélicoptères civils.
- Soutiens politiques -
L'usine de Mobile pourrait toutefois changer la donne pour Airbus Group, s'accordent à dire des experts.
Désormais le groupe dispose de soutiens politiques, avancent-ils. "Des sénateurs et des élus (de la Chambre des représentants) sont généralement plus susceptibles de soutenir une entreprise si celle-ci crée des emplois dans leur Etat", ajoute M. Chrisman.
"Dans les appels d'offres futurs, les élus auront les arguments nécessaires pour ce qui est des emplois créés aux Etats-Unis par Airbus", ajoute-t-il.
"Il n'y a pas de doute que nous allons soutenir Airbus s'il décide de répondre à un appel d'offres du Pentagone", confie à l'AFP Sandy Stimpson, le maire de Mobile.
"Est-ce que ça garantit un contrat avec le Pentagone ? Non, car la défense est un domaine sensible, mais c'est un pas important. Cela va être un travail de longue haleine. Il faudra être patient", estime Michel Merluzeau, expert chez Frost & Sullivan.
Citant le cas de BAE Systems, Hans Weber fait valoir que pour gagner des contrats militaires aux Etats-Unis, une entreprise étrangère doit paraître la plus américaine possible.
Le groupe britannique a ainsi lancé son offensive aux Etats-Unis en 2005 après avoir soufflé in extremis son compatriote Alvis (blindés) à l'américain General Dynamics.
Il acquiert également le groupe Unit Defense Industries (UDI), qui fabrique l'un des véhicules de combat les plus populaires de l'infanterie américaine, le Bradley, consolidant ainsi sa position sur le marché de la défense américaine.
"BAE est perçu aujourd'hui comme une entreprise américaine aux Etats-Unis et non comme un groupe britannique en zone américaine", affirme M. Weber, qui a comme clients le ministère de l'Intérieur américain.
Il conseille à Airbus de donner l'indépendance à sa filiale américaine pour augmenter ses chances avec le Pentagone. "C'est une décision difficile mais elle a beaucoup d'avantages", dit l'expert.