Le groupe industriel français Alstom a inauguré mardi en Chine sa plus grande usine d'équipements hydroélectriques dans le monde, affichant sa volonté de muscler ses capacités sur un marché asiatique en plein essor.
Représentant un investissement de 100 millions d'euros, cette usine localisée à Tianjin (nord-est), forte de 2.000 employés et étendue sur 250.000 m2, prend la suite du site ouvert par le groupe il y a 18 ans dans la même ville.
La nouvelle infrastructure "permettra de fabriquer 26 ensembles turbines-alternateurs par an" et de produire des turbines d'une capacité de 1.000 mégawatts (MW), une puissance encore inédite sur le marché, a expliqué Bruno Godin, responsable des opérations sur le site, lors d'une visite inaugurale ouverte à la presse.
Alstom avait annoncé mi-juillet la mise en service sur le barrage de Xiangjiaba (sud-est de la Chine) de quatre unités hydroélectriques d’une capacité de 800 MW, présentées comme les plus puissantes du monde, conçues et fabriquées sur son site de Tianjin.
Or, le groupe se prépare à un appel d'offre lancé fin septembre pour un projet hydroélectrique dans le sud de la Chine, qui porterait notamment sur 16 unités de 1.000 MW, a indiqué aux journalistes Yves Rannou, directeur général de la branche Hydro d'Alstom en Chine, sans fournir de détails.
Alstom, qui équipe plus de 25% du parc hydroélectrique mondial, détient actuellement 20% de parts de marché pour les grands équipements dans ce secteur en Chine, selon les chiffres fournis par le groupe.
Quatorze des 32 groupes turbo-alternateurs (de 700 MW chacun) du barrage géant des Trois Gorges, la plus vaste structure hydroélectrique dans le monde, sont ainsi conçus et fabriqués par Alstom.
Tianjin est désormais le plus gros site, en terme d'heures de production par an, de la branche Hydro d'Alstom après son usine brésilienne, et illustre l'accent mis par Alstom sur sa présence dans les économies émergentes.
"Dans le domaine de l'hydroélectricité, la Chine ne représente pas moins de 50% du marché mondial(...) Si on veut réussir sur le marché chinois, il est évident qu'il faut une présence forte en Chine", a souligné Patrick Kron, PDG d'Alstom, présent à Tianjin pour l'occasion.
Le facteur proximité est un atout quand il s'agit de transporter des éléments pesant des centaines de tonnes, mais aussi pour répondre plus efficacement aux besoins des clients locaux, a-t-il estimé lors d'une conférence de presse.
Alors que le groupe doit affronter des concurrents chinois, dont Harbin Electric et Dongfang Electric, M. Kron a dit espérer que les contrats dans le secteur sont "attribués sur la base des offres" des entreprises.
"Notre objectif et notre demande est de fonctionner dans un environnement ouvert. Pour nous, le protectionnisme est la pire des catastrophes (...). Nous continuerons de nous battre pour avoir des conditions équilibrées" d'accès au marché, a prévenu M. Kron.
Alors qu'Alstom s'était vu fermer le marché chinois du rail à grande vitesse après avoir hésité sur un transfert de technologies, le PDG a assuré que la question ne se posait pas pour l'hydroélectrique, le site de Tianjin appartenant à 99% au groupe.
Au-delà de la Chine, plus de la moitié de la production de Tianjin est actuellement destinée à l'exportation, notamment pour des pays d'Asie du Sud-Est -- principalement le Vietnam, mais aussi la Thaïlande et le Laos, où Alstom s'est associé avec un constructeur chinois.
Et le groupe français "surveille attentivement" les opportunités de projets hydroélectriques en Birmanie, a ajouté M. Kron
Au total 85% des capacités hydroélectriques supplémentaires mises en place d'ici à 2035 à travers le monde le seront en Asie, selon les estimations d'Alstom, pour qui environ un tiers du potentiel mondial reste encore à développer.
"Le potentiel est tout sauf épuisé (...) L'hydroélectricité est une source d'énergie renouvelable, propre, et compétitive" à une époque "où l'énergie est un bien rare et cher", a souligné M. Kron, refusant en revanche de commenter le bien-fondé de construire un nombre important de nouveaux barrages dans la région Asie, souvent entourés de controverses environnementales.
"La décision d'édifier un barrage appartient aux pouvoirs politiques; notre rôle à nous, c'est d'apporter, pour un projet d'investissement donné, un équipement sûr, propre et fiable", a-t-il affirmé.