Bernard Tapie a remporté jeudi un succès judiciaire dans l'affaire de l'arbitrage controversé, la justice ayant jugé irrecevable un recours des pouvoirs publics pour faire annuler la sentence qui lui avait octroyé plus de 400 millions d'euros.
Dans le volet pénal de l'affaire, les juges financiers parisiens ont placé cette semaine sous le statut de témoin assisté Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, et une grande voix du barreau de Paris, l'académicien Jean-Denis Bredin, a appris l'AFP de sources proches du dossier.
Les deux hommes, âgés de 84 ans, sont deux des trois arbitres qui ont octroyé en 2008 quelque 400 millions d'euros à Bernard Tapie, dont 45 millions d'euros au titre du préjudice moral, pour mettre un terme au long conflit entre l'homme d'affaires et le Crédit Lyonnais sur la revente d'Adidas.
Le troisième arbitre, Pierre Estoup, est un des cinq mis en examen pour escroquerie en bande organisée dans ce dossier. Les juges soupçonnent ces cinq personnes d'avoir pris part à un "simulacre d'arbitrage" organisé avec l'aval du pouvoir politique de l'époque.
Bernard Tapie est lui-même mis en examen. Une mesure intervenue en juin au terme d'une garde à vue de quatre jours, une durée qu'il a contestée jeudi, tout comme son avocat Maurice Lantourne, devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.
Cette durée dérogatoire avait été justifiée par la circonstance de bande organisée accolée à sa mise en examen. Mais pour sa défense, ces quatre jours, plus habituellement réservés aux personnes mises en cause dans des dossiers de grand banditisme ou de terrorisme, attentent à la proportionnalité de la réponse pénale.
La cour d'appel dira le 15 mai si elle transmet à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur ce sujet. Une issue qui apparaissait "vraisemblable" jeudi pour plusieurs avocats.
Mais Bernard Tapie a remporté une manche judiciaire en obtenant qu'un magistrat d'une chambre civile déclare irrecevable un des recours des pouvoirs publics contre la sentence.
- "En attendant la prochaine..." -
Ce recours en annulation du Consortium de réalisation (CDR), l'organisme parapublic chargé de gérer l'héritage du Crédit lyonnais, a été déposé hors des délais prévus, puisqu'il aurait dû l'être dans le mois suivant la notification de la sentence.
"Cela ne fait qu'une décision de justice de plus qui nous est favorable. En attendant la prochaine...", a réagi auprès de l'AFP Bernard Tapie, sans plus de commentaire. "Une première étape a été franchie. Nous démontrerons de la même manière que les autres recours du CDR ne sont fondés ni en droit ni en fait", ont renchéri deux de ses avocats, Jean-Georges Betto et Christophe Seraglini.
Car, en cas d'irrecevabilité, d'autres recours avaient été déposés par le CDR: un recours en révision, un autre en nullité et un dernier en rétractation qui, selon certaines conditions, serait susceptible d'être examiné non par la justice de droit commun mais par un tribunal arbitral.
En juillet, Bercy avait expliqué la multiplication des recours, pris "en plein accord évidemment avec l'Etat", par la volonté de "ne prendre aucun risque" et d'utiliser "toutes les portes qui pouvaient se présenter dans les délais requis".
Pour Thomas Clay, spécialiste de l'arbitrage et pourfendeur de longue date de celui dont a bénéficié Bernard Tapie, la décision de la cour d'appel "n'est pas une surprise". "Le recours pertinent, c'est le recours en révision. Il est urgent qu'il s'engage", a-t-il réagi.
Dans le volet ministériel de l'affaire, la patronne du Fonds monétaire international et ex-ministre de l'Economie Christine Lagarde a été placée sous le statut de témoin assisté par la Cour de justice de la République (CJR). Ce statut, intermédiaire entre ceux de mis en examen et de simple temoin, permet notamment d'avoir accès au dossier.