En embuscade depuis des années, le distributeur suisse Maus Frères a profité des dissensions ravageant la famille fondatrice de Lacoste pour prendre un avantage sans-doute décisif dans la prise de contrôle du célèbre fabricant de polos.
Maus Frères, déjà détenteur depuis quatorze ans de 35% du capital, a annoncé vendredi avoir signé un accord portant sur l'acquisition des 30,3% détenus par un groupe d'actionnaires familiaux, dont l'ex-président Michel Lacoste, qui lui donnerait de fait les clefs du groupe.
Le prix de la transaction valorise Lacoste à un montant compris "entre 1.000 et 1.250 millions d'euros", indique Maus Frère dans un communiqué.
"La réalisation définitive de cette cession est soumise à la levée d'un certain nombre de conditions", ajoute cependant Maus Frères.
"Il y a des droits de préemption qui peuvent être exercés par les autres actionnaires", a déclaré un porte-parole du groupe suisse, qui a possédé un temps les grands magasins parisien du Printemps et détient aujourd'hui la marque de vêtements de plein air Aigle.
Reste à savoir si les autres actionnaires familiaux auront les moyens ou la volonté de racheter les parts de Michel Lacoste et de ses alliés, ce qui implique de débourser au minimum 300 millions d'euros.
Maus Frères a proposé de son côté à ces mêmes actionnaires de leur racheter leurs parts dans les mêmes conditions financières.
Si cet accord se réalisait, Maus parviendrait enfin à prendre le contrôle d'un groupe qu'il convoite depuis longtemps.
Il était entré au capital de Lacoste en 1998, en rachetant 90% du groupe Devanlay, partenaire de la fabrication mondiale des vêtements frappés du célèbre crocodile vert, et s'était vu attribuer l'année suivante la licence mondiale de la marque pour les vêtements.
Cet accord signe en tout cas un retournement de situation dans le marigot Lacoste : il y a encore quelques semaines, M. Lacoste mettait en cause Maus, l'accusant de manipuler une partie de la famille, dont sa fille, qui l'a remplacé à la tête de l'entreprise familiale.
Maus dispose en effet de trois sièges au conseil, alors que les Lacoste disposent des 65% restants et bénéficient de cinq sièges. Le conseil est complété par trois administrateurs indépendants.
"Maus a convaincu la moitié de ma famille de faire alliance avec lui pour prendre le contrôle", lançait-il alors, se disant "attristé par la faiblesse et l'incompétence des actionnaires familiaux qui ont été séduits par des mirages".
Michel Lacoste, déchu de la présidence du groupe à laquelle il avait accédé en 2005, avait même attaqué en justice sa fille, Sophie Lacoste-Dournel, pour demander l'annulation de sa nomination à la tête de la société.
Il dénonçait une "prise de contrôle irrégulière" par celle-ci, et demandait une assignation au tribunal de commerce de Paris, car cette nomination s'était faite "en violation du pacte d'actionnaires, avec la complicité active du groupe Devanlay" (et donc de Maus).
Sophie Lacoste-Dournel était de son côté montée au créneau pour défendre sa position, expliquant vouloir assurer "la pérennité de la marque et du contrôle familial de l'entreprise", quitte à racheter les parts de son père.
Vendredi soir, Michel Lacoste ne souhaitait pas réagir et Sophie Lacoste-Dournel n'avait pas répondu aux sollicitations de l'AFP.
La société Lacoste, fondée en 1933 par le champion de tennis René Lacoste, a réalisé en 2011 un chiffre d'affaires de 1,6 milliard d'euros en ventes aux détaillants. Le modèle économique de Lacoste est fondé sur la cession de licences à différentes sociétés qui lui reversent des royalties.
Le groupe Maus Frères est un groupe familial actif depuis 1902, constitué de l'association des deux familles, Maus et Nordmann. Dans son berceau suisse, il est surtout actif dans le commerce de détail, avec les grands magasins Manor, Jumbo et Athleticum.
A l'étranger, il est présent avec les marques Lacoste, mais également Gant, Aigle et Parashop. Il a réalisé en 2011 un chiffre d'affaires de 5,3 milliards de francs suisses (4,4 milliards euros) et emploie 22.000 personnes.