L'annonce, puis le démenti, par Abuja que la compagnie pétrolière nationale du Nigeria (NNPC) était insolvable, fait surgir des questions sur la gestion des énormes ressources du huitième exportateur mondial de brut et le niveau de corruption au sein de la compagnie d'Etat.
Depuis mardi, les allégations, rapidement contredites, selon lesquelles la NNPC serait à sec, ont semé la confusion et mis en lumière les relations complexes entre le gouvernement et la société, régulièrement critiquée pour son inefficacité et sa gestion opaque.
Après l'annonce par le secrétaire d'Etat aux Finances Remi Babalola que la NNPC était "insolvable", celle-ci a diffusé un communiqué réfutant l'information, soulignant que le gouvernement lui devait 6,6 milliards de dollars de remboursement de subventions.
Les autorités fédérales imposent actuellement le maintien des prix du carburant à un bas niveau, dans le cadre d'une politique de subvention, mais elles auraient accusé un important retard dans les remboursements.
Piqué au vif, le porte-parole de la compagnie d'Etat, Levi Ajuonuma, a estimé mercredi qu'affirmer que la NNPC est insolvable équivalait à dire que le pays est en faillite en raison de sa dépendance à l'indutrie pétrolière. Le Nigeria en tire 90% de ses devises et environ 80% de ses revenus.
"Dire que la NNPC est à sec, c'est dire indirectement au reste du monde que le Nigeria est à sec et qu'il ne faut pas faire d'affaires avec le pays", a-t-il ironisé.
Peu après, le ministre des Finances Segun Aganga et la porte-parole du gouvernement Dora Akunyili ont finalement annoncé en choeur que la NNPC est bien "une entreprise qui fonctionne". "Dire qu'elle est insolvable (...) est incorrect", a assuré M. Aganga.
Avec ces messages contradictoires et alors que les difficultés financières de la NNPC sont connues, ce sont l'image et la crédibilité du Nigeria qui en prennent un coup, estime Gboye Bankole, analyste financier.
La controverse refait également surgir les interrogations sur le niveau de corruption au sein de la NNPC, dans un pays gangrené par ce fléau.
"Cela démontre aussi à quel point le pays est plongé dans la corruption et donne l'impression qu'il y a une volonté de cacher l'état des finances de la NNPC, la poule aux oeufs d'or du pays", selon M. Bankole.
Entre ingérences politiques et détournements, les régimes successifs ont puisé durant des décennies des sommes colossales dans ses coffres.
"Tout le monde s'accorde pour constater qu'il y a un problème structurel dans les finances de la NNPC, elles sont trop opaques", résume une source dans une compagnie pétrolière étrangère opérant au Nigeria, ayant requis l'anonymat.
"D'un point de vue économique, il n'y a pas de raison pour que la NNPC fasse faillite", estime Gbenga Martins, économiste et expert dans l'industrie pétrolière.
Quelques jours seulement après avoir succédé au président Umaru Yar'Adua, décédé en mai, le chef de l'Etat nigérian Goodluck Jonathan a ordonné un audit complet des comptes de la NNPC.
Il a aussi promis de réformer le secteur pétrolier, reprenant les engagements de son prédécesseur. Un projet de loi de réforme, la Petroleum Industry Bill (PIB), est débattu au parlement depuis de longs mois.
L'ambition des autorités de mettre fin aux subventions du prix du carburant est un autre dossier délicat qui avance tout aussi lentement.
Et alors que la nation la plus peuplée d'Afrique entre en période électorale, avec une présidentielle dans moins d'un an, des observateurs estiment qu'il y a peu de chance de voir de réels changements à court ou moyen terme.