Les syndicats du pétrole du Nigeria qui menacent d'arrêter la production du premier pays pétrolier d'Afrique ont annoncé une rencontre jeudi avec le président Goodluck Jonathan au quatrième jour d'une grève générale qui paralyse largement le pays.
"Nous rencontrerons le président à 17H00 locales (16H00 GMT)", a indiqué Peter Esele, président du Trade Union Congress. Il s'agit d'une des deux confédérations qui encadrent la grève générale lancée lundi et qui menacent d'arrêter la production à partir de dimanche si le gouvernement ne revient pas sur la fin des subventions sur les hydrocarbures.
"A partir de dimanche, nous cesserons la production", a déclaré Babatunde Ogun, président du PENGASSAN, l'un des deux syndicats du secteur pétrolier du premier producteur de brut d'Afrique.
Le syndicat exige la baisse de l'essence à 65 nairas (0,30 euros) le litre, soit son prix avant la suppression des subventions gouvernementales le 1er janvier dernier.
Le secteur stratégique du pétrole représente près de deux tiers des recettes de l'Etat fédéral au Nigeria, plus gros producteur de brut d'Afrique devant l'Angola avec près de 2,4 millions de barils par jour.
La grève et les manifestations qui ont paralysé le premier producteur africain de pétrole ont mis le gouvernement sous une pression croissante alors qu'il cherche à interrompre les attaques du groupe islamiste Boko Haram.
A Genève, la Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, a indiqué jeudi que le groupe islamiste Boko Haram au Nigeria pourrait être déclaré coupable de "crimes contre l'humanité" si la justice montre qu'il a commis des attaques systématiques contre la population.
"Les membres de Boko Haram et d'autres groupes et entités, si la justice estime qu'ils ont commis des attaques systématiques et généralisées contre la population civile -- y compris sur la base de la religion ou de l'ethnie -- pourraient être déclarés coupables de crimes contre l'humanité", a déclaré Mme Pillay, dans un communiqué.
"Les actes délibérés conduisant au +nettoyage+ de la population sur la base de la religion ou de l'ethnie équivaudraient aussi à des crimes contre l'humanité", a-t-elle dit.
La responsable de l'ONU pour les droits de l'homme a appelé les responsables religieux au Nigeria, "spécialement les responsables musulmans et chrétiens à joindre leurs forces pour condamner de façon sans équivoque toute violence, y compris les représailles".
Elle leur demande aussi d'"encourager leurs disciples à identifier et aider à arrêter tout ceux impliqués dans les tueries et autres actes de violences qui ont eu lieu".
Depuis les sanglants attentats du jour de Noël qui avaient fait au moins 49 morts, sept attaques contre des chrétiens ont fait plus de 88 morts, dont la plupart ont été revendiquées par Boko Haram.
Les dernières attaques de ce groupe ont tué des chrétiens et des violences visant des musulmans dans le sud du pays ont fait craindre l'extension du conflit, certains évoquant même les risques d'une guerre civile dans le pays le plus peuplé d'Afrique (160 millions d'habitants).
Deux officiers de police ont été tués mercredi par une foule qui s'est répandue dans la ville de Minna au centre du pays. Des bâtiments officiels ont été brûlés. Au nord est dans la ville de Yola, des hommes armés ont attaqués les locaux de la police. Cette région a également été atteinte par les récentes violences religieuses.
Quatre chrétiens ont été tués dans les faubourgs de la ville de Potiskum par des membres présumés de Boko Haram. Un couvre-feu nocturne a été imposé dans l'état de Yobe où se trouve Potiskum.
A Lagos, la plus grande ville du Nigeria où habitent 15 millions de personnes une foule pacifique évaluée à 10.000 personnes s'est rassemblée mercredi. Des incidents se sont produits à certains endroits avec des jeunes qui ont mis le feu à des pneus, en attaquant au moins une voiture de police et vandalisant les alentours.
Quelques centaines de personnes s'étaient déjà réunies jeudi sur un site habituel de manifestation.
"J'ai participé aux manifestation depuis lundi et je vais continuer jusqu'à ce que le gouvernement revienne à 65 nairas (0,4 USD, 03 Euros) le litre" dit Dele Olaniyi, chauffeur de taxi de 54 ans. "La majorité de notre peuple est trop pauvre pour accepter le nouveau prix" a-t-il dit faisant allusion à l'abandon des subventions qui ont fait plus que doubler les prix du carburant depuis le 1er janvier.
Selon des responsables gouvernementaux et des économistes l'abandon des subventions est vitale et permettra de dégager 8 milliards de dollars par an pour investir dans des projets et améliorer les infrastructures quasi inexistantes dans le pays.
Mais les violences religieuses et ethniques croissantes dans différentes régions ont fait croître les craintes d'un chaos dans un pays divisé entre un mord essentiellement musulman et un sud majoritairement chrétien.
Boko Haram, mise en cause pour les attaques, a revendiqué lors des dernières semaines la responsabilité de violences visant des Chrétiens qui ont menacé de se défendre eux mêmes.