Il y a 10 ans, le 14 novembre 2001, les états-membres de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) ont lancé en grande pompe le cycle des négociations de Doha, destiné à libéraliser le commerce international.
Une décennie plus tard, les discussions s'enlisent et les plus grandes économies mondiales ont reconnu qu'elles n'aboutiront jamais si les négociations se poursuivent dans la même veine.
Lors du dernier G-20 à Cannes, les leaders mondiaux ont déclaré qu'ils restaient fidèles "à l'agenda de développement de Doha (DDA)".
"Cependant, il est clair que nous n'allons jamais conclure ce DDA, si nous continuons les négociations de la même manière que par le passé", ont-ils ajouté.
Cette déclaration marque un changement radical de ton par rapport aux sommets précédents, lors desquels les leaders lançaient un appel à conclure "rapidement" les négociations. Cette année, il n'y a pas eu de tel appel.
Des responsables parlant sous couvert d'anonymat ont indiqué en marge du sommet du G-20 qu'il était à présent difficile de lancer un nouvel appel à une conclusion rapide des négociations, étant donné les échecs successifs des tentatives précédentes.
Le cycle de négociations commerciale de Doha a été lancé le 14 novembre 2001 dans la capitale du Qatar et avait pour but d'aider les pays en développement à progresser sur le plan économique grâce à un meilleur accès aux marchés à l'étranger.
Cependant, les pays développés et en développement ont toujours échoué jusqu'à ce jour à s'entendre sur une baisse des tarifs douaniers sur les biens industriels, ainsi que sur une baisse des subventions à l'agriculture.
En janvier dernier, quelques leaders politiques ont réitéré leur appel en faveur d'une conclusion du cycle de Doha en 2011, comme le Premier ministre britannique David Cameron, déclarant que "nous ne pouvons pas négocier une année de plus, après déjà 10 ans de discussions".
"Si nous continuons à discuter, alors je pense que c'est sans espoir", a ajouté M. Cameron.
Trois mois plus tard, le directeur général de l'OMC Pascal Lamy a admis que les négociations commerciales étaient proches de l'échec.
Des états-membres de l'OMC, qui compte 153 adhérents, ont alors cherché s'il était possible de conclure un "mini-deal" portant sur des sujets particulièrement importants pour les pays les plus pauvres. Cependant, ils ont dû rapidement reconnaître qu'ils étaient incapables d'arriver à un tel accord restreint.
A Cannes, le ministre chinois du commerce, Chen Deming a indiqué qu'étant donné les perspectives économiques globales moroses actuelles, et la proximité d'élections dans plusieurs grands pays développés, "il sera très difficile d'achever Doha cette année".
"Peut-être, faudra-t-il observer une sorte de période d'hibernation", a-t-il dit à quelques journalistes.
"En ce moment, le chômage est élevé dans la plupart des pays développés, et certains sont confrontés à des élections, donc, je pense que nous devons être réalistes", a-t-il dit.
"Après cette période morose et les échéances politiques, peut-être que le printemps sera de retour pour le round de Doha", a ajouté M. Chen, en indiquant que cela pourrait peut-être survenir "fin 2012 ou début 2013".
Quelques observateurs ont indiqué que l'impasse actuelle dans les négociations pourraient être une bonne occasion pour les états-membres de l'OMC de reconsidérer la pertinence du cycle de Doha.
"Il apparaît clairement que les négociations ne conduisent nulle part, et c'est parce que les conditions ont complètement changé", a noté Karen Hansen-Kuhn, chercheur à l'Institut de politique commerciale et agricole.
"Nous avons à présent un problème de volatilité des prix de produits alimentaires, ainsi qu'une spéculation financière qui devraient être traités par ces négociations internationales, mais ils n'y figurent pas", a-t-elle déclaré.
En fait, il est difficile de lancer des appels à une plus grande ouverture des marchés, devant les nombreux exemples où une telle libéralisation du commerce a plutôt affaibli la sécurité alimentaire, au lieu de la renforcer, en raison de dumping sur les prix, a-t-elle ajouté.
"La question n'est pas de trouver de nouvelles solutions à d'anciens problèmes, mais plutôt de fixer des objectifs. Si les objectifs sont l'emploi, la sécurité alimentaire et une plus grande stabilité, alors il faut partir de là et imaginer des règles commerciales pour y arriver", a-t-elle conclu.