Un an après l'explosion du golfe du Mexique, les dirigeants du géant pétrolier BP faisaient face jeudi à une assemblée générale difficile à Londres, traînant toujours cette catastrophe comme un boulet alors que leurs grands projets en Russie tournent à la bérézina.
Le patron de BP, l'Américain Bob Dudley, qui a pris les rênes du groupe en octobre, se trouvait en position d'accusé malgré ses tentatives pour surmonter le pire épisode de l'histoire de la compagnie.
Il a reçu jeudi matin une petite bouffée d'oxygène avec le report, au 16 mai, de la date-limite pour réaliser un échange de participations avec le groupe russe Rosneft. Mais cet accord, présenté un temps comme "stratégique", semble de plus en plus compromis.
C'est la première assemblée générale du groupe depuis l'explosion, le 20 avril 2010, de la plateforme Deepwater Horizon exploitée par BP, qui a fait 11 morts et deversé des millions de barils de pétrole dans le golfe du Mexique.
Des défenseurs de l'environnement ont promis de venir à Londres, certains en traversant l'Atlantique, pour manifester leur colère toujours intacte à l'encontre de ceux qu'ils tiennent pour responsables d'une des pires catastrophes écologiques jamais survenues aux Etats-Unis.
Plusieurs actionnaires de poids, comme le grand fonds de pension américain Calpers, ont annoncé qu'ils voteraient contre le rapport annuel soumis à l'assemblée. Ils sont en particulier mécontents des gratifications accordées, malgré la catastrophe, à certains dirigeants.
Après avoir minimisé l'ampleur de la pollution, ce qui lui vaut une rancoeur tenace des Américains, BP a opté pour une autre stratégie: plaider la responsabilité partagée, notamment avec le propriétaire de la plateforme, le groupe Transocean. Et insister encore et encore sur sa volonté de renforcer toutes ses normes de sécurité.
Pour les actionnaires, la page est loin d'être tournée, ne serait-ce que parce qu'ils restent largement perdants en termes financiers: l'action BP reste près de 30% inférieure à sa valeur d'avant l'explosion du 20 avril.
Tout en cédant en un an plus de 24 milliards de dollars d'actifs pour faire face aux coûts gigantesques des suites de la marée noire, BP avait cherché à satisfaire ses actionnaires en reprenant le versement des dividendes en février.
Mais certains n'ont pas digéré pour autant les bonus de plus de 150.000 dollars accordés à deux directeurs du groupe en activité en avril dernier - dont le chef des activités de raffinage Iain Conn - en considérant qu'ils avaient "rempli leurs objectifs" en 2010.
Le patron de BP pensait avoir réalisé un coup de maître de nature à calmer les critiques en annonçant en janvier un accord "historique" avec le groupe public russe Rosneft, afin d'exploiter en commun une immense région au coeur de l'Arctique russe.
D'abord salué par les analystes comme un virage audacieux permettant à BP d'assurer son avenir et de se détacher des Etats-Unis, cet accord s'est transformé en chemin de croix pour Bob Dudley.
Furieux d'avoir été contournés, les actionnaires russes de la coentreprise russe de BP, TNK-BP, ont réussi à bloquer l'accord. Et il semble désormais exclu que le britannique puisse poursuivre ses projets dans l'Arctique russe, même s'il espère toujours procéder à un échange de participations estimé à quelque 16 milliards de dollars.
Pour les analystes, le prestige de M. Dudley a été sérieusement terni par cette affaire, car il était censé bien connaître la Russie et ses pièges pour y avoir longtemps travaillé.