La cour d'appel de Paris a confirmé vendredi les peines de prison ferme infligées en première instance aux deux repreneurs de l'usine Samsonite de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), pour avoir sciemment provoqué la faillite de l'entreprise en 2007.
Comme en juin 2009, l'ancien secrétaire général de l'usine, Jean-Michel Goulletquer, écope de trois ans de prison, dont deux ferme, et l'ancien PDG, Jean-Jacques Aurel, de trois ans dont un ferme pour avoir provoqué la banqueroute de l'usine, en détournant quelque 2,5 millions d'euros.
Les deux hommes sont en outre condamnés à une amende de 75.000 euros et une interdiction de gérer de 5 ans.
"Compte tenu du préjudice, ce n'est pas assez. J'ai galéré pour retrouver du travail, pour me remettre en question. Je suis retombé sur mes pattes, mais ce n'est pas le cas de beaucoup de collègues", a réagi auprès de l'AFP Alain Sailly, 46 ans, "dont près de vingt ans" chez Samsonite.
Aucun ancien salarié n'était présent vendredi à la cour mais ils doivent se retrouver en fin de journée à Rouvroy (Pas-de-Calais) avec leur avocat, Me Fiodor Rilov.
La cour confirme également la condamnation d'Olivier Walter, un ancien directeur financier de Delsey devenu consultant, à trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis, 5.000 euros d'amende et une interdiction de gérer.
Lors du procès en mai, le parquet général, qui avait requis la confirmation des peines, avait rappelé que le trio avait déjà été impliqué dans la reprise d'une usine Delsey, à Montdidier (Somme), également liquidée en 2006.
Précarité
La décision a "extrêmement déçu" Me Cédric de Kervenoaël, avocat de M. Goulletquer, qui fut, affirme-t-il, "celui qui est intervenu le moins dans cette affaire".
L'avocat estime que son client est "rattrapé par son passé": M. Goulletquer, déjà condamné trois fois pour banqueroute ou détournements, qui s'était présenté sous un faux nom à Hénin-Beaumont, purge une autre peine. Placé sous bracelet électronique depuis une semaine, il était absent au prononcé de l'arrêt, contrairement à M. Aurel.
C'est à eux que le bagagiste américain Samsonite avait cédé son usine d'Hénin-Beaumont en 2005. Les repreneurs avaient reçu plusieurs millions d'euros d'aide de Samsonite pour la reconversion. Le site devait se lancer dans la fabrication de panneaux solaires, sous le nom d'Energy Plast, mais aucun n'avait été produit. En 2007, l'entreprise mettait la clef sous la porte.
Depuis ce moment, les salariés se battent pour faire reconnaître dans cette faillite la responsabilité des "patrons voyous", comme les avait surnommés le représentant du parquet en première instance.
Les condamnés devront verser solidairement 2,5 millions d'euros au liquidataire judiciaire d'Energy Plast. L'avocat François Fauvet qui s'était vu infliger six mois de prison avec sursis en correctionnelle a été relaxé.
Me Rilov s'est déclaré "évidemment satisfait par cette décision", tout en regrettant le rejet d'une demande de supplément d'information afin de clarifier le rôle de tous les acteurs de cette faillite retentissante.
L'avocat et les salariés mettent directement en cause le groupe américain Samsonite qu'ils accusent d'avoir fomenté le projet de reprise comme "un leurre" pour se débarrasser de l'usine. Me Rilov attaque aussi le principal actionnaire de Samsonite lors de la cession, le fonds Bain Capital, fondé par le candidat républicain à la Maison Blanche Mitt Romney, contre lequel "une action est engagée aux Etats-Unis", a rappelé vendredi l'avocat.
L'avocate générale Mireille Venet avait dédouané le groupe Samsonite, selon elle "totalement étranger aux détournements reprochés aux prévenus".
Mais elle avait appelé à "ne pas oublier la souffrance des 200 salariés qui, aujourd'hui, vivent pour la plupart dans la précarité".