Le député PS Jean-Marie Le Guen veut taxer les "superprofits" de l'industrie du tabac, au nom de la santé et des finances publiques, mais les cigarettiers préviennent que la taxe serait répercutée sur le prix des cigarettes et toucherait donc surtout les consommateurs.
"Il s'agit de mettre un terme aux superprofits dont bénéficient actuellement les cigarettiers en sacrifiant la santé et les finances publiques des Français", dit M. Le Guen dans un entretien au Parisien lundi.
"Le chiffre d'affaires des fabricants, en quatre ans, a augmenté de plus de 26%, soit plus de 300 millions d'euros de bénéfices", estime-t-il.
Trois hausses de prix successives de 6% en novembre 2009, 2010 et en octobre 2011, ont effectivement renchéri de 90 centimes le paquet de cigarettes, sans faire baisser le volume des ventes dans la même proportion. Une nouvelle hausse de 6% est prévue pour l'automne.
Le député socialiste assure que sa nouvelle taxe "n'aura aucun effet sur le prix du paquet de cigarettes ou sur le pouvoir d'achat des Français". Elle permettra "de récupérer de l'argent pour financer des programmes de prévention et de lutte contre les addictions".
C'est "une bonne idée", a commenté le ministre chargé des relations avec le Parlement, Alain Vidalies, ajoutant cependant qu'elle ne s'inscrivait pas a priori dans le cadre du collectif budgétaire, soumis lundi à l'attention de l'Assemblée nationale.
De leur côté, les fabricants soulignent en choeur qu'en France, les prix du tabac sont libres et qu'une nouvelle taxe entrainera l'augmentation des prix.
L'amendement "cache un prélèvement supplémentaire pour le consommateur", explique Céline Audibert, porte-parole d'Imperial Tobacco. "Au final seul le consommateur paiera cette taxe", renchérit Denis Fichot de Japan Tobacco International.
"Serpent de mer"
Imperial Tobacco rappelle que le premier bénéficiaire de la hausse en valeur du marché du tabac est l'Etat qui perçoit, sous forme de taxe et de TVA, 81% du prix du paquet de cigarettes. Au cours des années 2010, 2011 et 2012, l'Etat devrait avoir empoché 1,35 milliard supplémentaires grâce à l'augmentation des prix, estime Imperial Tobacco. En 2011, les ventes de tabac ont rapporté 13,8 milliards d'euros à l'Etat.
Cette taxe est "un serpent de mer", dit encore Yves Trévilly, porte-parole de British American Tobacco, rappellant qu'elle a déjà été proposée plusieurs fois sans jamais aboutir.
"Si la taxe est adoptée, le prix des cigarettes va fortement augmenter, donc les ventes en France devraient baisser, comme c'est le cas depuis la dernière augmentation, et au final les recettes de l'Etat vont baisser", affirme-t-il.
Pour les exercices 2010 et 2011, "le produit de cette taxe a été estimé à 203 millions d'euros", a dit M. Le Guen. "Il n'y a aucune raison de ne pas réclamer (une telle somme) à une industrie qui fabrique un produit qui tue chaque année 60.000 personnes en France", a-t-il ajouté.
Jean-Marie Le Guen a également souhaité "mettre en place une mission interministérielle sur la contrefaçon et la contrebande", jugeant qu'il y avait "beaucoup de désinformation provenant du lobby du tabac".
Les industriels rappellent que ces sujets ont fait l'objet d'un récent rapport parlementaire, mais aussi d'une étude officielle des Douanes.
Il est désormais admis qu'une cigarette sur cinq fumées en France (20%), n'a pas été achetée chez un buraliste de l'hexagone, échappant ainsi aux taxes. Certaines ont été acquises légalement à l'étranger, d'autres proviennent de la contrebande ou de la contrefaçon.