Le marché des prothèses auditives est en plein boom en France, en raison du vieillissement de la population, mais les distributeurs devront encore lever plusieurs obstacles, dont le prix très élevé de ces appareils, selon les professionnels du secteur.
Les trois quarts des distributeurs d'appareillages en France sont des petites enseignes. Deux réseaux se partagent le quart restant du marché: le français Audika, avec 14% de parts de marché et un chiffre d'affaires 2011 de 102,4 millions d'euros (+5%), et l'italien Amplifon, leader mondial du secteur, avec 12% du marché et des ventes 2011 à 97 millions d'euros.
Certes, l'année 2011 a subi les conséquences d'une consommation ralentie par la crise des dettes publiques. Le bénéfice d'Audika a chuté de plus de 10% et Amplifon prédit pour 2012 une année "beaucoup plus difficile" en Europe "parce que tous les pays prennent des mesures de réduction des dépenses publiques".
Les ventes d'Audika pourraient en outre subir une "petite décroissance" au premier trimestre, en raison du froid qui a conduit à l'annulation de beaucoup de rendez-vous, a indiqué mardi le PDG d'Audika, Alain Tonnard, lors d'une conférence de presse.
Mais le marché reste "démographiquement" porteur, relevait récemment le PDG d'Amplifon, Franco Moscetti.
Car "tout le monde sera concerné" par une baisse de l'audition, qui démarre à partir de 65 ans en moyenne, avec un premier équipement vers 70 ans, a rappelé mardi le PDG d'Audika. Et comme les papy-boomers de 65 ans arrivent sur le marché à partir de 2013, "les meilleures années sont devant nous", s'est-il réjoui.
Outre la pyramide des âges, les distributeurs misent sur les jeunes, dont l'audition faiblit en raison notamment des musiques MP3 --dont le son compressé est plus fort. Leur oreille pourrait ainsi vieillir prématurément à 50 ans, selon Jean-Michel Klein, président du Snor, le syndicat des médecins spécialisés en ORL, qui prescrivent ces appareils.
Obstacle psychologique
Avec un taux d'équipement en France inférieur à 20%, contre 30% en Allemagne et plus de 50% au Danemark, le marché est prometteur.
Audika, qui compte 440 magasins, estime qu'il y a un potentiel pour en ouvrir à terme 260 supplémentaires. Des enseignes d'optique comme Alain Afflelou ou les magasins Leclerc ont aussi fait leur entrée sur ce marché avec respectivement 5 et 3 centres.
Plusieurs obstacles restent à franchir néanmoins.
Le coût des appareillages est le premier frein à s'équiper (92%), devant les réticences psychologiques (58%), selon une enquête OpinionWay réalisée en septembre pour le fabricant d'"assistants d'écoute" Sonalto.
Les appareils auditifs peuvent valoir de 750 à plus de 2.000 euros par oreille, soit une facture pouvant grimper jusqu'à 4.000 euros pour chaque patient, selon Audika.
Or la Sécurité sociale ne rembourse que 100 euros par appareil. "Il y a un vrai problème d'injustice sociale quand on est face à des retraités qui gagnent 500 euros par mois", souligne M. Klein.
Audika promet de conclure des partenariats avec les organismes complémentaires. Selon M. Klein, les mutuelles pourraient mieux prendre en charge ces appareils si les ORL "améliorent le dialogue avec les patients et les audioprothésistes ne proposent pas les appareils les plus chers".
L'autre obstacle est psychologique. "Il y a en France un gros problème d'image de l'appareillage auditif par rapport aux autres pays. On lie la baisse auditive à une déficience intellectuelle", selon M. Klein.
Enfin, le Synea, syndicat des audioprothésistes de ces réseaux comme Amplifon ou Audika, chargés d'installer les appareils, met en garde contre une "carence dramatique" d'audioprothésistes et fait campagne pour que le nombre de diplômés augmente chaque année.