"Une salve de bonnes intentions sans aucun impact à court terme", "un coup d'épée dans l'eau": au lendemain du sommet Paris-Berlin, les investisseurs jugeaient difficilement applicables la plupart des mesures annoncées, notamment la règle d'or budgétaire et la taxe "Tobin".
Sous la pression des marchés, qui avaient frôlé le krach la semaine dernière, le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel ont affiché mardi leur unité pour proposer une batterie de mesures: gouvernement économique de la zone euro, règle d'or budgétaire, convergence fiscale entre pays européens, taxe sur les transactions financières.
"Ces quatre axes sont intéressants, mais ils n'auront aucun impact à court terme, or c'est la seule échéance qui nous intéresse", souligne Alexandre Baradez, analyste des marchés chez Saxo Banque.
Les analystes ne sont pas tant déçus par l'absence d'avancées sur la capacité du fonds de soutien européen ou les euro-obligations, largement attendue, que par le flou qui décrédibilise à leurs yeux les annonces.
La "règle d'or" sur l'équilibre budgétaire, déjà en vigueur en Allemagne mais toujours pas adoptée en France, soulève son lot d'incertitudes.
"Comment peut-on demander aux 17 pays de la zone euro de la mettre en place alors qu'on ne réussit même pas à l'appliqer soi-même ?", s'interroge Waldemar Brun-Theremin, gérant d'actions chez Turgo Asset Management.
Pour M. Baradez, "on ne se donne pas les moyens de l'imposer car on refuse de parler de hausses d'impôts pourtant indispensables pour parvenir à l'équilibre budgétaire".
Même constat sur la question de l'harmonisation fiscale au sein de l'Union monétaire.
"Croyez-vous réellement que l'Irlande va accepter de toucher à son impôt sur les sociétés très favorable" à 12,5% contre plus de 20% en moyenne en zone euro, commente Frédérik Ducrozet, économiste pour Crédit Agricole CIB.
Lucinda Creighton, ministre irlandaise des Affaires européennes, a récemment réitéré le refus de Dublin d'augmenter ce prélèvement fiscal, jugeant qu'un taux peu élevé était vital pour son économie.
Enfin, la mise en place d'une taxe sur les transactions financières semble peu crédible, d'autant qu'aucune précision sur son montant n'a été apportée pas plus qu'un calendrier pour une éventuelle entrée en vigueur. "Au final, le secteur financier n'a pas souffert de cette annonce tout simplement parce que personne n'y croit", estime l'analyste de Saxo Banque.
Il paraît aussi difficile de prendre une telle mesure uniquement en zone euro, au risque de détourner encore davantage les transactions vers l'Asie ou les Etats-Unis.
"Si vous menacez de prendre plusieurs milliards de dollars directement de la poche des investisseurs, ceux-ci se détourneront vers des centres financiers plus favorables", souligne Simon Denham, directeur général de Capital Spreads. Il assure que le Royaume-Uni n'acceptera jamais une telle taxe, ce qui conduira à une désertion des places financières de Paris et Francfort au bénéfice de Londres.
Au final, le constat sur le sommet reste amer.
"Il y a eu des engagements importants sur la solidité du couple franco-allemand, mais aucune réponse pour enrayer la fragilité extrême des Bourses la semaine dernière. C'est clairement un sommet pour rien", estime M. Brun-Theremin.
"Nous restons pris entre deux feux: une spéculation très forte et des autorités politiques beaucoup trop passives", ajoute-t-il.