Choc de calendrier: en plein débat sur la réindustrialisation en France, Renault inaugure jeudi au Maroc sa nouvelle usine de Tanger, qui sera sa deuxième tête de pont pour développer sa gamme de véhicules "low cost" aux portes de l'Europe.
Le PDG du constructeur automobile français Carlos Ghosn et le roi du Maroc Mohammed VI sont attendus pour l'occasion.
Pour le gouvernement marocain, le site doit permettre de développer une industrie automobile pour l'instant quasi inexistante dans le royaume (hormis l'usine de Somaca à Casablanca) et d'y attirer des sous-traitants pourvoyeurs d'emplois.
Rabat a déroulé le tapis rouge au groupe français, exonéré d'impôt sur les sociétés pendant cinq ans et de taxes d'exportation. L'Etat marocain a aussi mis à disposition les infrastructures (autoroute et rail) et financé un centre de formation pour le personnel.
Son voisin algérien rêve de faire de même. Alger mène des discussions avec Renault pour qu'il implante une usine dans le pays et a fait savoir récemment que les deux parties sont sur le point de signer un protocole d'accord.
Pour Renault, l'usine est aussi d'un enjeu primordial. C'est sa première inauguration depuis celle de Curitiba, en 1998 au Brésil. Tanger, où le groupe a investi environ 1 milliard d'euros, est destiné à devenir un pôle central dans son développement.
Le terrain de 300 hectares se situe à 30 kilomètres du nouveau port de Tanger Med et à quelques encablures des côtes espagnoles. Dans un premier temps, entre 150.000 et 170.000 véhicules seront produits chaque année sur une ligne de montage, avec trois équipes se relayant.
Une seconde ligne est prévue à partir de 2013 pour faire monter la production annuelle à 340.000 unités, voire à 400.000 en travaillant des week-ends. Cela en ferait, en terme de capacité, l'équivalent des sites de Flins (Yvelines) ou de Douai (Nord) en France.
Lors du lancement du projet à l'automne 2007, M. Ghosn avait dit vouloir en faire l'usine "la plus compétitive" de l'alliance Renault-Nissan. Depuis, le partenaire japonais de Renault s'est retiré du projet, obligeant la Caisse des dépôts marocaine à prendre le relais.
Gamme "low cost"
Le chantier a aussi connu des déboires avec des pluies diluviennes qui l'ont paralysé pendant trois mois. Finalement, le groupe français a tenu les délais.
Le premier modèle à sortir des lignes sera le "Lodgy", un monospace de 5 à 7 places. Il sera commercialisé au printemps sous la marque Dacia (filiale roumaine de Renault) en Europe et dans le pourtour méditerranéen, et sous celle de Renault ailleurs. Suivront un petit utilitaire, puis un troisième modèle encore tenu secret.
Ces véhicules viendront compléter la gamme "low cost" du groupe, qui compte actuellement la petite berline Logan et ses dérivés, la Sandero et le 4x4 Duster. Actuellement fabriqués à Pitesti (Roumanie) pour l'Europe, ils pourront après 2013 être assemblés au Maroc.
Le constructeur compte asseoir sa position dominante sur le marché marocain, où il s'est vendu l'an dernier environ 120.000 véhicules et qui pourrait doubler, voire tripler dans les années à venir, selon ses prévisions.
Mais la grande majorité de la production de Tanger est destinée à l'export. Il y a cinq ans, M. Ghosn expliquait que 90% de la production du site serait dédiée au marché mondial et "pas seulement européen", et 10% "au marché marocain, d'Afrique du Nord, du Moyen-Orient, voire de quelques pays d'Afrique".
Renault se garde bien de donner plus de détails sur la destination finale de ces véhicules et de la part qui sera vendue en Europe de l'Ouest et particulièrement en France.
Les syndicats français, eux, craignent une concurrence faite au monospace Scénic et à l'utilitaire Kangoo, fabriqués dans l'Hexagone.