Le Premier ministre français François Fillon s'est assuré lundi, au cours d'un voyage express, que Paris et Moscou seraient sur la même longueur d'onde au sommet du G20 pour décider d'une réforme de la finance mondiale, alors que selon la France, les Etats-Unis traînent des pieds.
"Sur la limitation des bonus, les règles comptables, les paradis fiscaux, le rôle du FMI, nous avons une identité de vue avec la Russie", a indiqué M. Fillon après une rencontre avec le président Dmitri Medvedev, en marge d'un colloque sur "Etat moderne et sécurité mondiale" qui s'est tenu à Iaroslavl, à 300 km de Moscou.
"Dans la situation actuelle, la Russie peut nous aider à faire passer ce qu'on veut faire passer", a affirmé le Premier ministre.
S'"il y a encore quelques voix discordantes en Europe", c'est surtout l'attitude des Etats-Unis que redoutent les Français très attachés à un contrôle accru de la puissance publique sur l'organisation de la finance mondiale, notamment en limitant les bonus des traders, explique-t-on à Paris.
"On ne sent pas la position américaine extrêmement forte", s'inquiète-t-on ainsi à Paris à dix jours de la troisième réunion du G20 depuis le début de l'année, qui doit se tenir à Pittsburgh.
Le président russe avait exprimé des inquiétudes similaires la semaine dernière: "j'ai l'impression (...) qu'il y a un désir de mettre tout cela au placard", avait-il déclaré, soulignant la nécessité d'une "reconstruction fondamentale du système financier".
Les Américains redoutent de casser la timide croissance qui se dessine aussi bien outre-atlantique qu'en Europe. Au plus fort de la crise qui sévit depuis maintenant un an, Paris avait souvent envisagé ce scénario pressant ses partenaires d'aboutir au plus vite.
Dans "la redéfinition du nouvel ordre économique global", qui "ne tourne pas le dos à la morale", M. Fillon a martelé lundi la nécessité d'un "Etat arbitre" au niveau national mais aussi international.
"Nous avons besoin d'un Etat qui régule les forces du marché sans pour autant les étouffer car sans elles il ne peut y avoir de reprise économique", a déclaré le Premier ministre.
Le président français Nicolas Sarkozy menace, comme il l'avait déjà fait au sommet de Londres en avril, de claquer la porte à Pittsburgh si les avancées ne sont pas à la hauteur des attentes françaises.
"Le chef de l'Etat a raison de mettre la pression maximale. Si on n'y va pas pour conclure, ça ne sert à rien", justifie-t-on dans l'entourage de M. Fillon.
MM. Fillon et Medvedev, à qui le Français a offert du vin et un lecteur multimédia pour son anniversaire, ont également évoqué l'épineux dossier du nucléaire iranien, sur lequel la France, qui a adopté une position très ferme, et la Russie divergent.
Le conflit israélo-palestinien a aussi été à l'ordre du jour, alors que Moscou souhaite, comme Nicolas Sarkozy, y consacrer une conférence internationale: "ce sont des initiatives complémentaires et non concurrentes", a jugé M. Fillon.
"Il y a beaucoup de possibilités pour développer nos relations à l'avenir", a estimé le président russe.
Le chef du gouvernement est arrivé en début de soirée à Moscou pour dîner avec son homologue Vladimir Poutine dans sa résidence de la banlieue de la capitale russe avant de repartir pour Paris.
En préambule, M. Poutine s'est félicité que "les relations entre la France et la Russie évoluent bien dans tous les domaines".
Les deux hommes vont préparer le séminaire gouvernemental qui aura lieu à Paris en novembre, a annoncé M. Fillon, avec pour objectif de créer "un grand espace économique et humain" ainsi que "l'année croisée" France-Russie en 2010.