Le patron de France Télécom, Didier Lombard, qui redoute un effet de contagion après la vague de suicides dans son groupe, sera reçu ce mardi par le ministre du Travail Xavier Darcos, pour évoquer la situation de l'entreprise, traumatisé selon les syndicats par des restructurations à outrance.
Après le nouveau suicide d'une salariée de France Télécom vendredi, le 23e en un an et demi, et alors qu'une nouvelle tentative a eu lieu lundi, le gouvernement veut tenter d'endiguer le mal-être au travail des employés d'une entreprise en pleine mutation.
Le ministre du Travail, Xavier Darcos, s'est emparé du dossier samedi, au lendemain du suicide d'une jeune femme de 32 ans, qui s'est jetée par la fenêtre de son bureau.
Lundi, une salariée de 53 ans de Metz a été retrouvée inanimée sur son lieu de travail, après avoir avalé des barbituriques, mais ses jours ne seraient pas en danger, selon les pompiers. La semaine dernière, un autre salarié a tenté de se tuer en se plantant un couteau dans le ventre en pleine réunion.
"Il est en train d'arriver ce que nous redoutions le plus, un effet de contagion. La priorité absolue depuis vendredi est de tout faire pour arrêter cette spirale infernale", a affirmé lundi la direction du groupe qui a invité les médecins du travail à donner l'alerte "sur les cas à risques", et a demandé aux "500 top managers français" "d'organiser des rencontres avec leurs équipes".
M. Darcos rencontrera M. Lombard mardi pour évoquer la situation du groupe marqué par cette série noire, pour laquelle les syndicats mettent en cause les méthodes de management et les restructurations à outrance. Le ministre a notamment proposé que le directeur général du travail assiste à une réunion du comité hygiène et sécurité (CHSCT) du groupe. La dernière s'est tenue jeudi, au cours de laquelle la direction a annoncé l'ouverture d'une négociation sur le stress dès vendredi, la suspension des mobilités jusqu'à fin octobre, et le recrutement de DRH de proximité et médecins du travail.
"C'est (...) un devoir à la fois pour l'entreprise et pour le gouvernement, qui est puissamment actionnaire, de se pencher sur cette question", a souligné le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant. L'Etat détient 26,7% de France Télécom et quelque 70% des agents sont fonctionnaires.
Plusieurs membres du gouvernement sont montés au créneau, comme Christine Lagarde (Economie), qui a demandé la convocation "d'urgence" d'un conseil d'administration de France Télécom, ou Eric Woerth (Fonction publique) qui a exhorté France Télécom à prendre le problème "très au sérieux".
Le président de la République, qui a rencontré lundi les leaders des cinq organisations syndicales et a évoqué le dossier avec eux, a lui aussi "été assez dur sur le comportement de France Télécom", a affirmé Jacques Voisin (CFTC).
"Mieux vaut tard que jamais", a déclaré lundi à l'AFP Sandrine Leroy (FO), qui espère que "ce n'est pas un effet d'annonce, avec juste une petite tape sur les doigts pour France Télécom".
"L'Etat doit obliger la direction à revoir l'organisation du travail, qui est la cause du mal-être", a ajouté Dominique Glémas (Sud), tandis que pour François Chérèque (CFDT), il faut "tout du moins un moratoire" sur les restructurations.
Pour la CGT, "ce sont les choix stratégiques tournés vers la recherche obsessionnelle du profit qui sont en cause".
La CFTC veut, avec FO, la création d'une commission d'enquête parlementaire, et la CFE-CGC demande "des pré-retraites à partir de 57 ans", et l'arrêt de la mobilité forcée "à partir de 50 ans".
Côté politique, l'UMP a estimé lundi nécessaire d'engager une réflexion sur "le bien-être des salariés dans les entreprises", et le PS a demandé que le gouvernement "pèse" sur la gestion du groupe.