Des dizaines de milliers de Grecs ont défilé jeudi à Athènes et Salonique contre l'austérité imposée par les bailleurs de fonds de la Grèce, les syndicats prenant date avec ceux du Portugal et d'Espagne pour de nouvelles grèves et manifestations le 14 novembre.
A quelques heures d'un sommet européen à Bruxelles crucial pour l'avenir de la zone euro, le défilé, endeuillé par la mort d'un manifestant sexagenaire victime d'une crise cardiaque et émaillé de violences entre de petits groupes de jeunes cagoulés et les forces de l'ordre, comptait quelque 25.000 personnes selon la police, bien plus du double selon les médias.
A Salonique dans le nord du pays, la police a recensé 17.000 manifestants.
A Athènes, sur la place Syntagma, en contrebas du Parlement, après un défilé globalement calme, des échauffourées ont opposé la police à de petits groupes de manifestants, avant que des cordons policiers ne chargent pour disperser la foule.
Le passage du cortège s'est toutefois poursuivi pendant plus d'une heure après cet accès de tension, tandis que des affrontements sporadiques se poursuivaient. Des cocktails molotov ont été lancés sur la police, qui a répondu avec des gaz lacrymogènes.
Les syndicats grecs avaient appelé à cette journée anti-austérité le jour du sommet européen de Bruxelles qui doit tenter de trouver des solutions pour consolider l'Europe et la zone euro notamment via une union bancaire.
Les syndicats de leur côté contestent le recours massif aux politiques d'austérité pour sortir de la crise. Le GSEE qui couvre le secteur privé en Grèce a annoncé qu'il allait se joindre à une journée d'action européenne le 14 novembre, également annoncée par les syndicats portugais.
En Espagne, les deux principaux syndicats du pays, CCOO et UGT, et quelque 150 organisations formant le "Sommet social" vont, "selon toutes probabilités", appeler à une grève le 14 novembre, coïncidant avec celle prévue au Portugal et en Grèce, a indiqué à l'AFP une porte-parole de CCOO à Madrid.
Illustration de l'européanisation du mouvement d'opposition à l'austérité, dans le défilé athénien, des sidérurgistes belges s'étaient joints au cortège en chantant "L'Internationale" derrière une banderole "Nous sommes tous des Grecs".
"La pauvreté s'étend, les emplois disparaissent et la Grèce coule. La Grèce va mourir si les mesures d'austérité ne s'arrêtent pas" disait Dimitris Sandis, employé d'une société pharmaceutique.
Plus loin Aliki Vassiloudi, 40 ans, journaliste au chômage, estimait que les manifestants veulent avoir "des emplois, une dignité et par-dessus tout vivre comme des Grecs et non comme des inférieurs serviles".
Le gouvernement espérait de son côté recevoir du sommet un signal de soutien européen pour faire accepter à son opinion le nouveau train de rigueur, dont le vote au Parlement, à une date toujours indéterminée, risque de porter à son comble la tension sociale.
La troïka des bailleurs de fonds du pays (UE-BCE-FMI) et la partie grecque se sont séparés mercredi sans accord total, du fait de divergences persistantes sur la dérégulation du marché du travail, mais en ayant bouclé l'essentiel du programme d'ajustement budgétaire, d'un montant de 13,5 milliards d'euros.
Mais le sommet européen jeudi et vendredi ne devrait pas encore déboucher sur le déblocage, attendu impatiemment par la Grèce à sec de réserves, d'une tranche de 31,5 milliards d'euros des prêts UE-FMI.
La Grèce, qui traverse sa cinquième année de récession consécutive, a demandé deux ans supplémentaires à ses partenaires pour mener à bien les réformes et réduire ses déficits, tandis qu'un débat idéologique pro ou anti austérité fait rage entre les économistes du monde entier sur la nature des remèdes à apporter au malade Grèce et au malade zone euro.
"L'Espagne et la Grèce sont en dépression, pas en récession. Et ceci est dû à l'austérité", a affirmé mercredi à New Delhi, l'économiste américain Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie.