Déjà jugé préoccupant par le gouvernement qui multiplie sans grand succès les plans d'aide aux exportations, le déficit commercial de la France a battu un record historique en février en raison notamment, mais pas uniquement, de l'envolée du prix du pétrole.
Le déficit commercial s'est creusé pour le quatrième mois consécutif à 6,55 milliards d'euros, un niveau jamais atteint auparavant, après 6,12 milliards en janvier, ont annoncé jeudi les Douanes.
Le précédent record datait d'octobre 2008, avec un déficit de 6,35 milliards.
Du coup, le déficit cumulé des douze derniers mois plonge à 57,11 milliards alors qu'il s'était déjà creusé à 51,12 milliards sur l'ensemble de 2010.
"Le déficit de notre solde commercial n'est pas une fatalité", avait pourtant assuré en février François Fillon, promettant d'aider les entreprises à regagner des parts de marché alors que l'Allemagne aligne les excédents.
"La baisse régulière du nombre d'entreprises exportatrices", passées de 107.000 en 2000 à 91.000 en 2010 alors que l'Allemagne en compte 400.000, "doit nous interpeller", avait déclaré le Premier ministre.
"Dans un contexte de tension sur les prix du pétrole, la facture énergétique s'alourdit encore", relèvent jeudi les Douanes.
"Les importations manufacturières continuent de progresser, du fait, notamment, d'une vive hausse des biens intermédiaires (chimie et métaux)", tandis que "la hausse des exportations est plus modérée", ajoutent-elles.
Les importations ont atteint en février 41,27 milliards d'euros contre 40,47 le mois précédent. Les exportations se sont élevées à 34,72 milliards contre 34,34 en janvier.
"La forte hausse des importations s'explique en partie par la hausse des cours du pétrole", souligne Juliette Hubert du cabinet Asterès.
Ainsi, les importations de pétrole brut s'accroissent encore de 250 millions d'euros après une hausse de 650 millions en janvier.
Selon Alberto Balboni, du cabinet Xerfi, "la facture énergétique, qui a déjà été le principal facteur responsable de la dégradation du déficit commercial de la France en 2010, contribuera certainement à plomber davantage les comptes extérieurs hexagonaux en 2011".
En outre, ajoute cet économiste, l'ensemble des matières premières "est actuellement concerné par une envolée des cours": les importations de produits chimiques de base, utilisés notamment dans l'industrie pharmaceutique, et de métaux ont progressé de 500 millions d'euros en un seul mois.
Ce renchérissement "pèse sur les comptes des entreprises industrielles et sur leur compétitivité-prix à l'international", estime Alberto Balboni.
Cela se traduit dans les performances de l'industrie française.
"Si l'on considère les échanges de la France en faisant abstraction des hydrocarbures, ceux-ci restent déficitaires de 1,35 milliard d'euros", explique Juliette Hubert, notant qu'il "s'agit là encore d'un déficit historiquement fort".
L'industrie française, dont les exportations ne progressent que très légèrement, a donc également contribué à la dégradation de la balance commerciale. Et l'appréciation de l'euro par rapport au dollar risque de handicaper les exportations françaises vers les autres continents.
Le repli des exportations aéronautiques, qui s'accentue, vient noircir le tableau, d'autant que les ventes d'Airbus restent, comme en janvier, en-deçà des niveaux exceptionnels de la fin 2010.
"Nous avons là une preuve d'une certaine aéro-dépendance de la France: l'aérospatial représente plus de 10% des exportations françaises et tout ralentissement de ses performances a un effet très significatif", analyse Alberto Balboni.