Rien ne semble pouvoir empêcher la Banque centrale européenne (BCE), inquiète du niveau de l'inflation dans la zone euro, d'augmenter son principal taux directeur jeudi pour la première fois depuis juillet 2008, estiment les économistes.
"Les récentes déclarations des responsables de la BCE ne laissent aucun doute là-dessus", affirme Michael Schubert, de Commerzbank.
La catastrophe japonaise et l'instabilité persistante dans les pays arabes ont un temps fait douter de cette décision que l'institution monétaire de Francfort (ouest) avait jugée "possible" début mars.
Mais le chef économiste de la BCE Jürgen Stark a levé les derniers doutes en signifiant qu'il était temps pour elle de "normaliser" une politique monétaire jugée "accommodante".
Après plusieurs baisses successives liées à la crise, le taux directeur de la BCE stationne à 1% depuis mai 2009, son niveau historiquement le plus bas.
Or depuis plusieurs mois, certains pays de la zone ont retrouvé le chemin de la croissance tandis que les prix sont repartis à la hausse, menaçant l'objectif de moyen terme poursuivi par la BCE d'une inflation proche mais légèrement inférieure à 2%.
L'annonce par l'office européen des statistiques Eurostat d'une accélération de l'inflation à 2,6% en mars après 2,4% en février, ne peut que la conforter dans sa position, notent les économistes de Goldman Sachs.
Ce chiffre, supérieur aux attentes des analystes, "cautionne fortement une hausse du taux de la BCE de 1% à 1,25%", renchérit Howard Archer, économiste à l'institut IHS Global Insight.
Ses confrères s'attendent également à une augmentation de 25 points de base du taux directeur, qui devrait être suivie de plusieurs autres de même ampleur d'ici la fin de l'année, pouvant porter le taux à 2%.
"Cela ne sera pas le début d'un resserrement agressif" de la politique monétaire de la BCE, estiment les économistes de Capital Economics.
Déclarant s'attendre à ce que le prochain mouvement intervienne en juillet avant une pause prolongée, ils s'interrogent sur la capacité des pays aux budgets les plus fragiles de la zone euro à faire face à cette hausse, même légère, du loyer de l'argent.
"L'économie allemande pourra se débrouiller. En revanche, cela accroît les risques de voir les économies périphériques souffrir d'une période prolongée de stagnation et de récession", écrivent-ils, avant d'ajouter que cela pourrait même accroître pour certaines les risques de "restructurer leur dette".
La BCE, consciente que nombre de banques de ces pays sont encore dépendantes de ses prêts pour se refinancer, a annoncé qu'elle prolongeait dans un premier temps jusqu'en juillet ses mesures exceptionnelles en leur faveur, à savoir la mise à disposition de liquidités à des taux fixes et pour des montants illimités.
Jeudi soir, elle a fait un geste supplémentaire vis-à-vis des banques irlandaises après l'annonce par Dublin de son intention de poursuivre la consolidation de son secteur bancaire. Les établissements de cette île pourront avoir accès à ses crédits à des conditions moins strictes, comme c'est déjà le cas pour les banques grecques.
En revanche, la BCE continue de traîner des pieds pour acheter des obligations publiques sur le marché secondaire, programme qu'elle avait lancé au printemps dernier au plus fort de la crise grecque mais dont elle veut être déchargée au profit des fonds de secours mis en place par les responsables politiques européens. Sans succès jusqu'à présent.
Depuis le début de l'année, elle n'est intervenue que ponctuellement sur ce marché comme le 18 mars pour racheter des obligations portugaises.