par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - La "proposition" de candidature de Jean-Luc Mélenchon à l'élection présidentielle, sans être une surprise, jette le trouble dans une gauche divisée et en quête d'une martingale pour éviter un duel droite-extrême droite en 2017.
Ses partenaires du Front de gauche, qui avaient soutenu sa candidature en 2012, ont appris mercredi soir par TF1 (PA:TFFP) sa décision de se lancer de nouveau dans la course, au grand dam, notamment, du Parti communiste.
"Les partis du Front de gauche n'ont en rien été consultés, ni même informés", a déclaré à Reuters le porte-parole du PC, Olivier Dartigolles, qui juge la situation "très préoccupante".
Pour la ministre socialiste de la Santé, Marisol Touraine, cette annonce ne peut qu'accentuer le morcellement de la gauche. Jean-Luc Mélenchon "divise son propre camp", a-t-elle dit à France 2. "C'est une aventure solitaire lancée en solitaire."
Pour le président de l'institut de sondage Odoxa, Gaël Sliman, "il aurait évidemment mieux valu pour François Hollande qu'il ne se présente pas".
Le cofondateur du Parti de gauche est crédité en moyenne de 11% des intentions de vote par des sondages, son score du premier tour de la présidentielle de 2012, ce qui a pu jouer dans sa décision de précipiter l'annonce de sa candidature.
"Le fait de voir qu'il reste assez élevé dans les sondages le conforte dans l'idée qu'il compte encore, que les gens se tournent encore vers lui", explique-t-on dans son entourage. "Cela montre qu'il n'est pas hors jeu."
Jean-Luc Mélenchon, qui veut "incarner la France insoumise", a justifié sa décision par l'accélération des annonces de candidatures à droite, au parti Les Républicains, comme au FN, avec celle de Marine Le Pen.
"Dans ces conditions, il faut passer à l'action, on ne peut pas rester sans voix", a expliqué sur TF1 cet ex-trotskiste et ancien membre du PS, aujourd'hui devenu un des détracteurs les plus virulents de François Hollande.
PRIMAIRE À GAUCHE INCERTAINE
Pour le député socialiste Christophe Caresche, c'est aussi le moyen pour lui de couper l'herbe sous le pied de rivaux potentiels à la gauche du PS, comme les anciens ministres Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, l'écologiste Cécile Duflot ou le dirigeant communiste Pierre Laurent.
"Le retour de Montebourg a peut-être précipité la candidature de Mélenchon", a déclaré cet élu à Reuters.
En 2012, Jean-Luc Mélenchon était arrivé en quatrième position au premier tour et cela n'avait pas empêché le socialiste François Hollande d'accéder au second et de battre le candidat de droite, Nicolas Sarkozy.
Quatre ans plus tard, la perspective est tout autre pour le chef de l'Etat, au plus bas dans les sondages, confronté à une poussée du Front national et une désaffection croissante de son électorat, qui rendent possible son élimination dès le premier tour de 2017 s'il ne rassemble pas la gauche sur son nom.
"Nous ne sommes pas en 2012. Il y a un risque réel de marginalisation de la gauche", souligne Olivier Dartigolles.
"Jean-Luc prend la décision dans ce moment-là de ne pas construire une candidature dans un cadre large et unitaire", ajoute-t-il. "Ça rend plus indispensable encore une primaire."
Longtemps sourde aux appels pressants à l'organisation d'une primaire élargie à l'ensemble de la gauche et aux écologistes, la direction du PS s'efforce aujourd'hui de trouver un terrain d'entente avec les écologistes, le Parti de gauche, dont fait partie Jean-Luc Mélenchon, et le PC.
Un positionnement tactique de la part du premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui veut avant tout préserver les chances de François Hollande d'être au second tour.
Mais là encore, la candidature en solo et hors parti de Jean-Luc Mélenchon, qui refuse de se soumettre à une primaire, risque de plomber cet exercice s'il rallie assez de soutiens.
Pour Gaël Sliman, "ça lève complètement la possibilité qu'une primaire de toute la gauche ait lieu."
Jean-Luc Mélenchon dit s'inspirer du candidat à l'investiture démocrate américain Bernie Sanders, qui donne du fil à retordre à l'ancienne secrétaire d'Etat Hillary Clinton.
"J'ai loué la même plateforme internet que lui. Si bien que maintenant tout le monde peut se joindre à moi pour travailler sur le programme et agir", a-t-il expliqué sur TF1.
(Avec Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)