Casquette vissée sur la tête pour prévenir l’insolation, une vingtaine de vendangeurs cueillaient mardi matin les grappes de Pinot noir à Buxeuil dans le sud de l'Aube où a débuté une des vendanges les plus tardives depuis 10 ans en Champagne.
"Le printemps pourri a retardé la floraison d'au moins trois semaines mais le bel été nous a sauvé la mise et la vigne a un peu rattrapé ce retard", s'est réjouie Anne-Lise Koza, 30 ans, qui exploite 5,92 hectares de vignes dans la "Côte des Bar", à la lisière de la région de Bourgogne.
"Cela me rappelle les vendanges avec mon grand-père bien après la rentrée des classes, mais pour le travail ça ne change pas grand-chose, les matinées sont plus fraiches, c'est tout", affirme la jeune femme.
Mardi matin, alors que les brumes matinales se dissipaient à peine, laissant place à un soleil radieux, ses saisonniers arpentaient déjà les pentes raides d'une parcelle de 90 ares idéalement exposée plein sud, au nom évocateur de "Côte du four" pour cueillir les premières grappes de Pinot noir, traditionnellement plus précoce que le Chardonnay blanc.
La plupart sont venus de Pologne, pays d'origine du grand-père d'Anne-lise qui a fondé la maison de champagne Koza-Janot après guerre et où réside encore une partie de sa famille.
"C'est une tradition, je viens ici depuis 13 ans travailler pour ma cousine", explique avec un fort accent polonais Joseph Koza un maçon tout en muscle venu de Limanowa, près de Cracovie.
En une semaine de coupe, il récoltera environ 500 kilogrammes de raisin par jour pour un gain d'environ 600 euros soit près d'une fois et demi son salaire mensuel en Pologne.
Dos courbé, les vendangeurs progressent lentement entre les ceps de vignes aux feuilles encore ruisselantes de rosée alors que les caisses de raisins couleur prune se remplissent au bas du coteau avant d’être amenées au pressoir pneumatique.
"On s'attend à une bonne récolte"
Après la pesée, Anne-Lise examine les baies et en écrase quelques-unes dans un verre pour en mesurer au réfractomètre le taux de sucre.
"9,7 avec une bonne acidité en plus, c'est très bien équilibré", s'exclame-t-elle.
"Les dernières pluies ont fait gonfler les baies, les grappes sont nombreuses, l'état sanitaire est bon : on s'attend à une bonne récolte", poursuit la jeune femme tout sourire.
De sa vendange, elle compte produire environ 3.000 bouteilles qui seront commercialisées d'ici trois ans, le reste des moûts étant destiné à la maison Veuve Clicquot.
Fin juillet, le Comité interprofessionnel du vin de Champagne avait fixé le rendement à 10.500 kilogrammes à l'hectare, en baisse de 4,5% par rapport à 2012, avec la possibilité de récolter 3.100 kilos de plus à destination de la réserve qualitative.
"L'année dernière, la récolte a été très faible en quantité et nous avons besoin de reconstituer notre réserve individuelle", a souligné la viticultrice.
Selon les professionnels du champagne, la récolte 2013 est une des plus tardives de la dernière décennie sans pour autant compromettre la qualité future des vins.
Selon Dominique Moncomble, directeur technique du CIVC, "le vignoble champenois a connu depuis 1950 une vingtaine de vendanges tardives après le 25 septembre dont plusieurs ont donné de grands millésimes comme en 1988, 1998 ou encore 2004".
A partir de la fin septembre, la vendange battra son plein dans la majorité des 34.000 hectares que compte l'appellation où près de 120.000 travailleurs saisonniers sont attendus pour cueillir à la main les raisins des trois cépages propres à l'élaboration du champagne.