Le gouvernement italien a donné lundi le coup d'envoi à la privatisation partielle de Poste Italiane, la plus importante des 15 dernières années dans le pays et élément-clé du programme de réformes de Matteo Renzi.
Depuis lundi matin, les investisseurs, les particuliers et les 143.000 employés de Poste Italiane peuvent se porter acquéreurs des 453 millions d'actions mises en vente par l'Etat italien. Cette phase s'achèvera le 22 octobre avant une entrée en Bourse effective attendue dans la semaine du 26 octobre.
Au total, le gouvernement, qui dit espérer un "large actionnariat", entend placer jusqu'à 38,2% du capital du groupe public et lever jusqu'à 3,7 milliards d'euros. Cette somme sera affectée à la réduction de la dette publique de l'Italie, l'une des plus élevées d'Europe avec près de 2.200 milliards d'euros.
"C'est une journée très importante, une privatisation historique", s'est félicité Fabrizio Pagani, responsable du dossier auprès du ministère, lors d'une présentation du projet à la presse à Milan.
Cette opération, la "plus importante (de ce type) depuis la fin des années 1990" en Italie, vise à transformer le groupe en "champion national", à l'instar de ceux qui l'ont précédé sur cette voie comme les groupes énergétiques Eni et Enel (MI:ENEI), a-t-il souligné.
- 60 ans de vilenies" -
Le chef du gouvernement Matteo Renzi avait pour sa part relevé samedi que Poste Italiane a été "pendant 60 ans le lieu des vilenies des hommes politiques". "Nous la mettons sur le marché et non plus à disposition des politiques pour qu'ils y fassent embaucher qui ils ont envie", a-t-il lancé.
Poste Italiane, colosse actif dans le courrier mais aussi la logistique, l'e-commerce, la finance, l'assurance et la téléphonie mobile, est actuellement détenu à 100% par le Trésor italien. Son entrée en Bourse fait partie d'un programme de privatisations voulu par le gouvernement et plusieurs fois retardé, mais qui devrait être bouclé en 2016.
Outre Poste Italiane, l'Etat italien entend vendre aussi une partie de Enav (contrôle aérien) et de FS (chemins de fer), après avoir déjà placé en Bourse l'an dernier une partie de Fincantieri (chantiers navals) et de Rai Way (télécommunications).
Hasard du calendrier, les titres Poste Italiane auront fait leur apparition sur le marché le même jour que ceux du constructeur de voitures de luxe Ferrari que sa maison-mère, Fiat Chrysler Automobiles (FCA), introduira à la Bourse de New York d'ici la fin du mois.
Le directeur général de Poste Italiane, Francesco Caio, s'est déclaré confiant quant à l'accueil des investisseurs internationaux, disant avoir ressenti un véritable "intérêt pour l'Italie, perçue comme un pays qui, davantage que les autres, peut bénéficier de la reprise économique et d'un gouvernement qui mène des réformes".
- Née au lendemain de l'unification italienne-
La vénérable Poste Italiane est née en 1862, soit à peine un an après l'unification de l'Italie, sous le nom de "Regie Poste". Elle s'est développée progressivement avec la mise en place de caisses d'épargne en 1875 puis l'invention du télégraphe, qui donna lieu à la création d'un réseau ad hoc.
Pendant les deux guerres mondiales, le groupe "soutint l'effort militaire national" en organisant le transfert du courrier des soldats au front et engagea de nombreuses femmes pour remplacer les ouvriers appelés sous les drapeaux, ce qui contribua à forger son identité.
Malgré son ouverture au marché, "le groupe est (à vocation) sociale et le restera", a insisté sa présidente Luisa Todini lors de la présentation, en réponse aux inquiétudes émises par certains acteurs sociaux.
Une quinzaine d'employés de Poste Italiane ont manifesté lundi devant le siège de Borsa Italiana, où se déroulait la présentation de l'entrée en Bourse, dénonçant la "vente au rabais de Poste Italiane", une "entreprise saine qui produit des centaines de millions d'euros de bénéfices chaque année", a constaté l'AFP.
"Nous avons toujours dit que privatiser les grandes entreprises pour récolter de l'argent était un choix discutable", a abondé dans leur sens la syndicaliste Susanna Camusso, secrétaire générale de l'organisation CGIL.