L'Ukraine a promis de payer vendredi sa facture pour le gaz russe reçu en mai, alors que Moscou agite le spectre d'une nouvelle crise gazière entre les deux pays avec son corrolaire habituel, l'interruption des livraisons à l'Europe.
"D'ici une heure, le virement va partir", a déclaré le président Viktor Iouchtchenko à la mi-journée, selon un communiqué de la présidence.
"Nous avons déjà commencé le transfert d'argent. D'ici la fin de la journée, ce processus sera achevé", a ajouté peu après le porte-parole de la société publique d'hydrocarbures Naftogaz, Valentin Zemlianski.
Dans la soirée, le géant gazier russe Gazprom a déclaré n'avoir pas encore reçu l'argent. "Nous n'avons pas été informés d'un paiement bancaire", a déclaré son porte-parole, Sergueï Kouprianov.
Moscou fixait jusqu'ici la date limite de paiement au dimanche 7 juin. Celle-ci a été reporté au mardi 9 juin, lundi étant un jour férié en Ukraine, a précisé M. Kouprianov.
Le président ukrainien, en conflit ouvert avec le Premier ministre Ioulia Timochenko, a expliqué avoir ordonné la création de monnaie pour payer cette facture.
"Je n'avais pas d'autre solution", a-t-il souligné, ajoutant qu'"il s'agissait d'une émission de 3,8 milliards de hryvnias", soit environ 500 millions de dollars.
Le ministre de l'Energie, Iouri Prodan, a précisé que la banque d'Etat Ochtchadbank allait octroyer un crédit à Naftogaz pour régler les livraisons de gaz en mai, selon Interfax.
Le montant total de la facture gazière ukrainienne pour mai s'élève à 647 millions de dollars, a précisé Naftogaz. Sur ce total, quelque 120 millions de dollars seulement avaient pu être rassemblés avant que M. Iouchtchenko n'intervienne, selon la présidence.
Une partie importante de ce gaz doit être stocké dans des réservoirs souterrains, afin de garantir notamment le transit gazier vers l'Europe, 80% du gaz russe destiné au Vieux continent passant par l'Ukraine.
Les responsables russes ont affirmé à de multiples reprises ces dernières semaines que l'Ukraine ne serait pas en mesure de payer sa facture pour mai et qu'une nouvelle crise se profilait.
Le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, a averti mercredi que les livraisons de gaz russe à l'Europe via l'Ukraine risquaient de "cesser complètement" fin juin ou début juillet si Kiev ne parvenait pas payer.
Moscou et Kiev ont été en proie en janvier à un grave conflit gazier, qui s'est traduit par deux semaines d'interruption des livraisons gazières russes aux clients occidentaux de Gazprom, l'Ukraine étant la voie de transit pour 80% de ces approvisionnements.
Inquiète d'une éventuelle reproduction de ce scénario, la Commission européenne a annoncé jeudi l'envoi à Kiev et à Moscou d'une mission censée "établir tous les faits" sur de nouvelles tensions gazières entre ces deux ex-républiques soviétiques.
Moscou appelle à l'octroi d'un prêt russo-européen de 5 milliards de dollars pour permettre à l'Ukraine d'acheter du gaz supplémentaire et remplir les réservoirs de gaz avant l'hiver.
L'UE a quant a elle promis d'examiner lors du sommet européen des 18-19 juin les moyens d'aider l'Ukraine à régler ses factures de gaz russe, tout en avertissant qu'elle voyait mal comment payer pour Kiev.
Pour l'analyste Chris Weafer de la banque Uralsib, "il est peu vraisemblable que Gazprom coupe le robinet du gaz dès que la date butoir (9 juin) sera passée".
"Cela va conduire en fait à une escalade dans les discussions dans lesquelles l'UE pourrait aussi être impliquée. La vraie date butoir pourrait intervenir plus tard en juin", dit-il.