KABOUL (Reuters) - Les taliban ont tiré des coups de feu en l'air et utilisé des bâtons dimanche à l'aéroport de la capitale afghane Kaboul pour contraindre la foule désireuse de quitter le pays à patienter de manière ordonnée, ont rapporté des témoins, au lendemain de la mort de sept personnes dans des mouvements de foule.
Aucun blessé grave n'a été rapporté dans les incidents de dimanche à l'aéroport de Kaboul, où étaient présents des membres armés des taliban, tandis que les Etats-Unis ont dit être désormais en mesure d'amener sur les lieux un grand nombre de ressortissants américains.
Depuis l'arrivée des combattants taliban dans Kaboul dimanche dernier à l'issue d'une offensive éclair à travers le pays, des milliers de civils afghans craignant le retour d'un régime taliban strict basé sur la charia se sont rendus à l'aéroport de la capitale, y provoquant le chaos, sur fond d'efforts à la hâte des puissances occidentales pour évacuer personnel diplomatique et ressortissants.
Le ministère britannique de la Défense a indiqué que sept civils afghans ont trouvé la mort samedi dans des mouvements de foule autour de l'aéroport, alors que de nombreuses familles tentent désespérément d'embarquer à bord d'un vol hors du pays.
Dans un communiqué, le ministère britannique a déclaré que "les conditions sur le terrain demeurent extrêmement difficiles, mais nous faisons tout ce que nous pouvons pour gérer la situation de la manière la plus sûre possible".
Au moins 20 personnes ont trouvé la mort au cours de la semaine écoulée à l'aéroport de Kaboul ou à proximité de celui-ci, selon un représentant de l'Otan. Des témoins ont indiqué que certaines personnes avaient été tuées par balle et que d'autres avaient trouvé la mort dans des mouvements de foule.
"MISSION COMPLEXE"
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a appelé à une réunion du G7 mardi pour discuter de la situation en Afghanistan afin de s'assurer de la sécurité des opérations d'évacuation, d'éviter une crise humanitaire et de soutenir le peuple afghan.
"Il est vital que la communauté internationale travaille de concert pour garantir des évacuations en toute sécurité, éviter une crise humanitaire et soutenir le peuple afghan pour maintenir les avancées des vingt dernières années", a-t-il dit dimanche via Twitter (NYSE:TWTR).
Vingt ans après le lancement de l'intervention militaire américaine, à la suite des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, qui a entraîné leur chute du pouvoir, les taliban ont cherché ces derniers jours à afficher un visage plus modéré. Ils ont entamé des discussions internes sur la composition d'un gouvernement.
Les taliban font face à une contestation dans le nord du pays, alors que des combattants dirigés par le fils du commandant Ahmad Shah Massoud, héros assassiné de la résistance contre l'occupation soviétique dans les années 1980, contrôlent la vallée du Panshir.
Invitant les taliban à ouvrir un dialogue, Ahmad Massoud a déclaré dimanche dans un entretien à Reuters qu'il n'excluait pas des affrontements si le mouvement islamiste tentait d'envahir le Panshir.
Si plusieurs pays, aux premiers rangs desquels les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, ont redéployé des milliers de soldats pour contribuer aux opérations d'évacuation de ressortissants et d'Afghans considérés en danger, ces troupes ont soigneusement évité tout conflit avec les taliban.
Un représentant taliban a déclaré que le groupe souhait obtenir "une entière transparence" sur le plan de retrait des forces étrangères. "Gérer le chaos à l'extérieur de l'aéroport de Kaboul est une mission complexe", a-t-il dit à Reuters sous couvert d'anonymat.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Unicef ont appelé à un pont aérien pour l'aide humanitaire afin de soutenir plus de 18 millions de personnes dans le besoin.
LES USA ONT ÉVACUÉ 17.000 PERSONNES EN UNE SEMAINE
Alors que les Etats-Unis avaient conseillé samedi à leurs ressortissants d'éviter de se rendre à l'aéroport de Kaboul, citant les risques sécuritaires liés aux mouvements de foules, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison blanche, Jake Sullivan, a déclaré dimanche sur CNN que Washington avait "sécurisé" les moyens d'acheminer "de grands nombres d'Américains" vers l'aéroport de Kaboul et sur le tarmac.
Quelque 5.800 soldats américains sont toujours déployés à l'aéroport de Kaboul, a fait savoir par ailleurs le général William Taylor, indiquant que les lieux "demeurent sûrs".
Il a ajouté que 17.000 personnes, dont 2.500 Américains, ont été évacués de Kaboul par les Etats-Unis au cours de la semaine écoulée.
Un porte-parole du Pentagone a annoncé dimanche que les Etats-Unis allaient réquisitionner 18 appareils commerciaux pour transporter des personnes préalablement évacuées d'Afghanistan vers des lieux temporaires. Ces appareils ne se rendront pas à Kaboul.
Le président russe Vladimir Poutine a rejeté quant à lui dimanche l'idée que des personnes évacuées puisse être hébergées temporairement dans des pays proches de la Russie, disant ne pas vouloir que "des militants arrivent ici sous couvert du statut de réfugié", ont rapporté des agences de presse russes.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a souligné dans un entretien au Journal du Dimanche que la "responsabilité morale collective" d'évacuer les Afghans menacés pour leur coopération avec les puissances occidentales "s'impose au-delà de tout calendrier".
Un cinquième vol organisé par la France pour évacuer des ressortissants français et afghans est arrivé samedi soir dans l'Hexagone, en provenance d'Abou Dhabi aux Emirats arabes unis, avec plus de 100 personnes à son bord.
A Paris, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dimanche après-midi place de la République à l'appel du collectif "Afghan lives matter" en soutien au peuple afghan. Les manifestants ont demandé une rencontre avec le ministre des Affaires étrangères sur l'accueil des familles des migrants habitant en France.
(Reportage du bureau de Kaboul et de Rupam Jain, avec Idrees Ali à Washington, Maria Tsvetkova à Moscou, Antony Paone à Paris; version française Gilles Guillaume et Jean Terzian)