L'accord franco-allemand sur un budget de la zone euro a provoqué mercredi de nouvelles tensions entre Angela Merkel et l'aile droite de sa coalition gouvernementale, avec laquelle elle est déjà en conflit sur les migrants.
L'Union chrétien-sociale (CSU), petit parti bavarois très conservateur qui mène la fronde contre la chancelière centriste pour la contraindre à durcir sa politique migratoire, a déclenché une nouvelle offensive.
Le projet de budget d'investissement de la zone euro, cher au président français Emmanuel Macron et auquel Angela Merkel a fini par donner un feu vert prudent mardi, s'apparente à un nouveau "budget caché" conçu au détriment des contribuables allemands et propre "à affaiblir l'euro", a tempêté un des dirigeants de ce parti, Marcus Söder.
Il a accusé Angela Merkel, restée longtemps sceptique à l'égard de la proposition française, d'avoir céder en échange du soutien de Paris pour trouver un compromis européen à la maîtrise des flux migratoires.
"Nous ne devons pas essayer d'obtenir des solutions (sur les migrants) en versant des subsides allemands", a dit M. Söder en Autriche, cité par les médias allemands.
Furieux, le parti bavarois veut convoquer sur le sujet une grande réunion de la coalition gouvernementale, composée de la CDU, du parti démocrate-chrétien (CDU) d'Angela Merkel et des sociaux-démocrates.
- Relations glaciales -
Autre signe manifeste des relations glaciales entre la chancelière et la CSU: le ministre de l'Intérieur Horst Seehofer, président du parti bavarois, a écourté sa présence à une cérémonie mercredi à l'occasion de la journée allemande des réfugiés, à laquelle participe Angela Merkel.
L'opinion allemande a toujours été très réservée à l'égard du budget de la zone euro, craignant de devoir au final payer pour les Etats dont elle juge la politique trop laxiste, comme l'Italie ou l'Espagne.
Mais les Allemands ne sont pas seuls à s'inquiéter: huit pays du nord de l'Europe, dont les Pays-Bas, l'Irlande et les pays baltes, ont aussi exprimé leur réticence à l'idée française.
Pourtant, Angela Merkel l'a largement vidé de sa substance. Après avoir écarté le projet d'un ministre des Finances et d'un Parlement pour la zone euro, elle a fait savoir que le montant du budget -qui n'a pas été précisé mardi lors d'un sommet franco-allemand- se chiffrerait tout au plus à quelques dizaines de milliards quand le président français avaient évoqué des centaines de milliards.
Prévu pour 2021, il doit de surcroît recevoir l'aval des 17 autres pays de la zone euro, ce qui est loin d'être gagné.
Le nouveau front politique ouvert par son aile la plus à droite intervient à un moment où elle politiquement affaiblie après presque 13 ans de pouvoir, dans le sillage des législatives en septembre marquée par la percée de l'extrême droite.
- Ultimatum -
Horst Seehofer lui a donné deux semaines, soit jusqu'au sommet de l'UE des 28-29 juin, pour trouver une solution européenne au défi migratoire, faute de quoi il s'est dit prêt à "refouler immédiatement" les migrants arrivant aux frontières allemandes en provenance d'autres pays européens.
Une telle décision de sa part, sans l'aval de la chancelière, conduirait à son limogeage et à la chute du gouvernement actuel.
La CSU milite pour un net durcissement de la politique migratoire alors que se profilent des élections régionales en Bavière cet automne et que le parti est menacé sur ses terres par le parti d'extrême-droite AfD.
La chancelière prône de son côté une solution européenne et a reçu le soutien mardi du chef de l'Etat français dans ce domaine. Les deux dirigeants ont dit travailler à un accord entre plusieurs pays de l'espace Schengen visant à refouler tout demandeur d'asile vers l'Etat où il a été enregistré en premier. Ce que demande la CSU.
Toutefois, selon un sondage de l'institut de sondage Civey pour le quotidien Die Welt publié mercredi, près de 75% des Allemands pensent qu'elle n'arrivera pas à trouver dans le délai imparti la solution exigé par son ministre de l'Intérieur.