par Leika Kihara
TOKYO (Reuters) - La plus longue période de croissance de l'économie japonaise depuis la bulle spéculative des années 80 est peut-être arrivée à un tournant, des données publiées vendredi suggérant que la consommation des ménages ne parviendra pas à prendre le relais si les tensions commerciales pèsent sur les exportations.
Les dépenses des ménages ont diminué de 0,9% en février par rapport à la même période de l'an dernier, leur plus fort recul depuis la baisse de 1,4% enregistrée en avril 2017, tandis que les salaires réels ajustés de l'inflation ont enregistré leur troisième mois consécutif de baisse ce même mois.
Un ralentissement de la consommation des ménages constituerait un casse-tête supplémentaire pour la Banque du Japon (BoJ) qui craint que le récent renchérissement du yen et les tensions commerciales mondiales nuisent à une économie largement dépendante des exportations.
"La demande extérieure et la consommation ne sont pas très fortes, donc la croissance économique pourrait avoir marqué le pas au premier trimestre", souligne Takeshi Minami, économiste en chef à l'Institut de recherche Norinchukin.
"Un yen fort pourrait peser sur les bénéfices des entreprises exportatrices. C'est un problème parce que les sociétés n'augmenteront pas les salaires, ce qui signifie que la consommation des ménages ne progressera pas."
Les analystes tablaient en moyenne sur une progression de 0,3% des dépenses de ménages en février, après +1,9% en janvier.
Des données séparées montrent que les salaires réels ont reculé en février, ce qui renforce l'idée que l'objectif d'une inflation à 2% fixé par la BoJ reste un objectif lointain et que la banque centrale n'est pas prête d'arrêter ses mesures de soutien à l'économie.
PRESSION SUR LES COÛTS
La publication de ces chiffres intervient après une enquête de la BoJ montrant une détérioration du climat des affaires pour la première fois en deux ans, suggérant que la robustesse du yen et les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine influent sur la confiance des entrepreneurs.
La faiblesse de la consommation des ménages, dans une économie par ailleurs robuste, entrave les efforts de la BoJ pour parvenir à son objectif d'inflation. Les entreprises hésitent toujours à augmenter leurs prix de peur de faire fuir des ménages.
"La croissance de la consommation semble caler", a dit un responsable gouvernemental, lors d'un point presse, une déclaration qui contraste avec celle du gouvernement en mars, qui disait voir les dépenses des ménages repartir à la hausse.
Certaines sociétés ont augmenté leurs prix, au risque de perdre des consommateurs, pour faire face à la hausse des coûts des matières premières et à une pénurie de main d'oeuvre qui pousse les salaires des intérimaires à la hausse.
Mais comme les salaires des intérimaires restent faibles par rapport à ceux du personnel fixe, leur augmentation ne se traduit pas par des dépenses des ménages plus fortes, notent des analystes.
La confiance des ménages japonais dans l'économie a faibli en mars pour la première fois en plus d'un an, selon une étude de la BoJ publiée jeudi.
L'économie japonaise a enregistré une croissance de 1,6% au sur la période octobre-décembre en rythme annualisé, son huitième trimestre de hausse d'affilée. Mais l'inflation de base s'est établie à 1%, bien en deçà de l'objectif de 2% de la BoJ.
Certains analystes estiment que la banque centrale pourrait être contrainte d'abaisser encore une fois ses prévisions optimistes en matière d'inflation dans son rapport trimestriel sur les perspectives économiques, qui sera publié à l'issue de sa réunion de politique monétaire des 26 et 27 avril.
(Avec Stanley White, Catherine Mallebay-Vacqueur pour le service français, édité par Juliette Rouillon)