FRANCFORT (Reuters) - Les responsables de la Banque centrale européenne (BCE) sont divisés sur le calendrier d'une première hausse de taux, certains jugeant possible une décision dès juillet 2019 et d'autres ne voyant pas de relèvement avant l'automne, rapportent plusieurs sources.
La BCE a annoncé en juin que les taux resteraient à leurs niveaux actuels "through the summer" 2019, une formulation en anglais suffisamment vague pour que la question reste ouverte.
Selon les investisseurs, cette phrase veut dire que les taux ne monteront pas avant octobre, voire même décembre, de l'an prochain, et l'expression se comprendrait alors dans le sens d' "au-delà de l'été".
Mais des responsables de la politique monétaire, qui ont parlé à Reuters sous couvert d'anonymat, en ont donné différentes interprétations.
Les informations de Reuters ont fait monter l'euro et les rendements des emprunts d'Etat de la zone euro.
La monnaie unique s'échangeait à 1,1745 dollar vers 13h10 GMT, contre moins de 1,17 quelques minutes auparavant. Le rendement du Bund allemand à dix ans a quant à lui repassé la barre de 0,3%.
Pour certains, cette formulation écarte explicitement toute décision avant que l'été ne soit passé, c'est-à-dire au plus tôt à partir du 21 septembre. "C'est la seule interprétation possible", a dit l'une des sources.
Cela suggère que le 24 octobre serait la première occasion de resserrer le crédit, soulignent certains membres de la BCE.
Mais d'autres jugent que la formulation est suffisamment vague pour autoriser une hausse de taux lors de la réunion du 25 juillet si les perspectives d'inflation s'y prêtent.
"On ne peut pas s'engager sur une période de plus d'un an", a dit une autre source.
Toutes les sources ont ajouté que les responsables de la politique monétaire n'avaient pas discuté du sens de cette communication avancée, ce qui peut expliquer les différentes interprétations.
Certains ont exprimé leur agacement face à un message jugé excessivement accommodant de la part du président Mario Draghi et qui a ainsi repoussé les anticipations de hausse de taux au mois de décembre 2019, une date que les "faucons" jugent trop tardive.
Une récente hausse des cours du pétrole accroît le risque d'une accélération plus forte que prévu de l'inflation. Mais Mario Draghi a alerté de son côté sur les risques que la montée en puissance du protectionnisme faisait peser sur la croissance.
La BCE s'est refusé à tout commentairer.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a déclaré pour sa part mercredi qu'une première hausse de taux pourrait intervenir "au plus tôt à l'été 2019" si les perspectives d'inflation la justifiaient, une formulation légèrement différente de celle de la BCE.
Depuis la réunion de politique monétaire du 14 juin, la BCE a même corrigé les traductions de son communiqué dans plusieurs langues, dont le français et l'allemand, afin d'en retirer la référence à la fin de l'été.
Certains des membres moins accommodants du Conseil des gouverneurs de la BCE ont vu cela comme une demi-victoire, estimant que la BCE pourrait en venir à regretter d'avoir fait repousser les anticipations des investisseurs trop loin dans le temps.
Interrogé sur le sens de l'expression "through the summer" lors de sa dernière conférence de presse, Mario Draghi a également refusé de ramener cette expression à un mois précis.
"Si cela signifiait septembre, nous aurions dit septembre", a-t-il déclaré à Riga le 14 juin.
La BCE s'attend une inflation de 1,7% cette année et les deux années suivantes, ce qui est conforme selon certains à l'objectif délibérément vague fixé par le BCE d'une inflation proche mais inférieure à 2%.
(Bureau de Francfort, Juliette Rouillon pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)