Nicolas Sarkozy envisage une loi en juin pour réformer la fiscalité du patrimoine, une façon de temporiser face à un gros tiers de députés UMP plaidant pour la suppression du bouclier fiscal et de l'impôt sur la fortune dès le budget 2011, examiné mercredi en commission.
Le chef de l'Etat a fait part de ses intentions sur la question fiscale en recevant à déjeuner mardi plusieurs députés UMP et Nouveau centre.
"Il souhaite que le sujet soit traité dans une loi de finances rectificative", a dit à l'AFP le député UMP Michel Piron, auteur de l'amendement en faveur de la double suppression bouclier fiscal/ISF qui a recueilli 125 signatures (sur un total de 314 députés UMP).
Une loi "en juin 2011", a précisé le président UMP de la commission des Affaires sociales, Pierre Méhaignerie, qui comptait aussi parmi les invités.
Sur le fond, l'exécutif et sa majorité sont désormais d'accord pour une réforme fiscale au nom, officiellement, de la convergence franco-allemande, alors que la majorité a été sommée de défendre le bouclier fiscal contre vents et marées pendant trois ans.
C'est le calendrier qui divise.
"Je considère que la loi de finances est un bon véhicule pour traiter cette partie de la réforme fiscale", affirme M. Piron, qui a bien l'intention de défendre son amendement mercredi en commission puis la semaine prochaine lors du débat dans l'hémicycle sur le projet de budget 2011.
L'Elysée, le gouvernement et les ténors de l'UMP à l'Assemblée saluent cet "amendement d'appel" qui lance le débat, mais qu'il n'est pas question, préviennent-ils, d'adopter en loi de finances.
"La question fiscale est subtile. Elle ne peut pas se régler d'un revers de la main", a lancé mardi le ministre du Budget François Baroin à l'Assemblée, en réponse à une question de l'opposition.
"On veut un débat sérieux qui ne peut pas être mené en quinze jours. Ce débat aura lieu de janvier à juin", a déclaré à la presse M. Méhaignerie en revenant de l'Elysée.
D'ici là, les parlementaires recevront un rapport de la Cour des comptes sur la convergence fiscale franco-allemande, en janvier.
La réforme fiscale est une question à trois milliards d'euros, à savoir la différence entre le produit de l'ISF (environ 3,5 milliards) et le coût du bouclier fiscal (quelque 600 millions d'euros) plafonnant l'impôt à 50% des revenus déclarés.
"Si l'ISF devait être supprimé, le bouclier le serait aussi. Les trois milliards seraient trouvés sur les catégories les plus favorisées", envisage M. Méhaignerie, citant "un impôt sur les revenus du patrimoine et un impôt sur les plus-values immobilières et mobilières".
A 18 mois de la présidentielle, M. Méhaignerie exclut de remplacer l'ISF par un impôt sur le revenu, qui pénaliserait les classes moyennes, ou une hausse de la TVA, qui péserait sur la croissance et la consommation. Il écarte du même coup l'idée d'une "TVA anti-délocalisation" de Jean-François Copé.
A gauche, l'opposition crie "au marché de dupes": "Le boulet du bouclier gêne (le chef de l'Etat). Il n'a pas envie de le traîner jusqu'aux élections. Et donc il fait une opération grossière", a tempêté le patron des députés PS Jean-Marc Ayrault. "Je ne me fais aucune illusion. Nicolas Sarkozy aura beau dire et faire, il est et reste le président des riches".
Auteur de l'amendement, M. Piron assure qu'en cas de suppression de l'ISF, "les 4/5e de nouvelles ressources" viendraient de la fiscalité sur les patrimoines, et le reste, d'une mise à contribution des très hauts revenus. Le débat est bel et bien lancé.