par Tommaso Mazzanti
NANTERRE, Hauts-de-Seine (Reuters) - Jean-Marie Le Pen a souhaité jeudi "une réunification active" du Front national (FN) à l'issue du bureau exécutif devant lequel il était convoqué pour répondre d'une série de déclarations jugées contraires à la ligne du parti et qui pourraient aboutir à son exclusion de la formation politique qu'il a fondée.
"J'ai exprimé le souhait que cet épisode un petit peu polémique soit une étape vers la réunification active du Front national", a-t-il déclaré à la presse. "C'est mon souhait je l'ai exprimé, j'ai donné des explications à ceux qui n'avaient pas toujours bien compris ce qui se disait ou se rapportait".
"C'est à l'organisation elle-même, qui a pris l'initiative d'un certain nombre de poursuites, de donner un signal de pacification", a-t-il ajouté, précisant que le bureau exécutif avait "décidé de se donner du temps" pour rendre sa décision.
Le patriarche de 87 ans est engagé depuis plusieurs mois dans une guerre ouverte avec sa fille et présidente du FN, Marine Le Pen, et le vice-président, Florian Philippot, qu'il accuse de menacer l'avenir du parti.
Les dirigeants frontistes cherchent, eux, à éviter que les provocations de Jean-Marie Le Pen n'écornent la stratégie de "dédiabolisation" engagée par Marine Le Pen, qui a succédé à son père en 2011 à la tête du parti d'extrême droite.
"Je souhaite vous faire déclarer l'incompétence du bureau exécutif pour juger à mon égard d'une question disciplinaire", a déclaré Jean-Marie Le Pen devant les membres du bureau exécutif réuni en instance disciplinaire, selon une déclaration transmise à la presse.
"Je dispose en quelque sorte à l'égard de votre 'juridiction' d'une immunité du fait de mon statut, de la même façon que la présidente en exercice ne pourrait être 'jugée' par le bureau exécutif, ainsi en est-il du président d'honneur", a-t-il dit.
Jean-Marie Le Pen a également demandé la convocation au plus tôt d'un congrès des adhérents du FN ou "à défaut" du comité central, "seule instance démocratique élue du FN".
INACCEPTABLES
Le bureau exécutif du parti est composé des vice-présidents du parti Jean-François Jalkh, Louis Aliot, Steeve Briois et Marie-Christine Arnautu, du secrétaire général Nicolas Bay et du trésorier Wallerand de Saint-Just.
Egalement membres du bureau exécutif, Marine Le Pen et Florian Philippot n'ont pas assisté à la réunion qui a débuté à 14h30 au siège du parti, à Nanterre (Hauts-de-Seine).
Dans la convocation adressée à son père, la présidente du FN énumère 15 griefs, dont ses propos qualifiant les chambres à gaz nazies de "détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale". Des propos qui valent au patriarche une nouvelle convocation en correctionnelle pour être jugé pour "contestation de crime contre l'humanité".
La convocation mentionne aussi ses déclarations négatives sur la nouvelle direction du parti ou accusant sa fille de "dynamiter sa propre formation", et son irruption sur l'estrade où elle allait prononcer un discours, le 1er mai, à Paris.
"Les propos qu'il a tenus sont inacceptables : soit il les retire, soit il s'excuse, soit il tombe sous le coup des sanctions disciplinaires prévues, qui vont du blâme jusqu'à la suspension et l'exclusion", a déclaré jeudi sur iTELE Gilbert Collard, député 'mariniste'.
Si Jean-Marie Le Pen est exclu, il ne pourra pas rester président d'honneur du Front national, a-t-il ajouté.
Bruno Gollnisch, membre du bureau politique du FN, a quant à lui estimé sur Europe 1 que "cette procédure disciplinaire est ahurissante, surprenante" et ajouté qu'il ne voyait "pas l'intérêt de sacrifier Jean-Marie Le Pen sur l'autel du politiquement correct."
Dans un communiqué publié lundi avant le début de la réunion, Jean-Marie Le Pen assurait vouloir exposer ses propres griefs lors de ce bureau exécutif, "dans l'idée d'administrer une leçon, et non d'en recevoir une".
"Une chose est sûre (...) c'est que la ligne politique que j'incarne depuis des décennies ne disparaîtra pas de la scène nationale, et que j'agirai sans relâche afin de permettre aux millions de Français qui partagent nos idées et notre espérance d'être représentés valablement au moment des grandes échéances", ajoutait-il.
En parallèle de la procédure disciplinaire qui lui vaut d'être convoqué jeudi, Jean-Marie Le Pen a obtenu deux victoires juridiques cet été face à Marine Le Pen, avec l'annulation d'une précédente décision de suspension et la suspension de l'assemblée générale extraordinaire du Front national censée aboutir à son éviction.
(Avec Jean-Baptiste Vey et Marine Pennetier, édité par ELizabeth Pineau)