Le tribunal administratif de Paris se penche jeudi sur un rapport interne de Bercy à propos du crédit d'impôt de plus de 2 milliards d'euros dont a bénéficié la Société Générale (PA:SOGN) dans le cadre de l'affaire Kerviel.
Julien Bayou, conseiller régional EELV d'Ile-de-France, demande au ministère des Finances de publier ce document élaboré en interne sur la somme de 2,197 milliards d'euros dont a bénéficié la banque, en application d'un régime fiscal réservé aux entreprises déficitaires.
Cette manne a épongé, en partie, la colossale perte de 4,9 milliards d'euros attribuée par le géant bancaire aux transactions frauduleuses de son ancien trader.
Sans réponse de la part de Bercy, à qui il avait envoyé un courrier en 2013, ni de la commission d'accès aux documents administratifs (Cada), M. Bayou a saisi la justice administrative pour que le document soit rendu public.
"Il ne devrait pas y avoir de secret" sur ce rapport, réalisé en 2012, explique-t-il à l'AFP. L'élu local, qui dit ne pas être "un soutien de Jérôme Kerviel" mais avoir avec lui "des intérêts communs", a indiqué que l'ancien trader serait présent pour un point presse jeudi avant l'audience.
Contactée par l'AFP, la Société Générale a décliné tout commentaire sur cette procédure.
Pour l'élu écologiste, "les conditions ne sont pas remplies" pour justifier les deux milliards versés à la Société Générale car il faudrait pour cela démontrer que l'établissement "n'est absolument pour rien dans l'affaire".
Or, fait valoir M. Bayou, tant la Cour de cassation que la Commission bancaire (devenue Autorité de contrôle prudentiel) ont souligné des manquements de la banque à ses devoirs de contrôle dans cette affaire.
"Je considère que la justice a déjà tranché", dit-il, en réclamant le remboursement de la somme au fisc français.
M. Bayou n'est pas le seul à s'indigner de cette ristourne fiscale: la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann avait par exemple demandé au printemps que le dossier soit rouvert.
Interrogé mercredi, le ministre des Finances, Michel Sapin, a renvoyé au procès civil en appel de l'ex-trader, qui se déroulera du 20 au 22 janvier. L'un des enjeux sera d'examiner le degré de responsabilité de la banque dans cette affaire alors qu'au pénal, Jérôme Kerviel a été jugé seul et unique coupable.
- Sapin prêt à 'reconsidérer' -
"On peut reconsidérer (ce crédit d'impôt à la Société générale) mais dans le cadre d'une décision de justice. Ce n'est pas à l'administration fiscale de reconsidérer elle-même sa position", a-t-il dit.
"S'il y a une responsabilité ou une part de responsabilité (de la banque), cela modifie la doctrine fiscale" en matière de déductibilité des pertes, a ajouté M. Sapin.
La Société Générale a eu recours à la procédure fiscale dite du "report en arrière des déficits" ou "carry back", qui permet à une entreprise déficitaire de convertir une partie de ses pertes en créance sur le Trésor public, qu'elle peut étaler sur plusieurs années.
En mars 2014, la Cour de cassation avait validé la condamnation de l'ancien trader à cinq ans de prison dont trois ferme, mais annulé les 4,9 milliards de dommages et intérêts auxquels il avait été condamné, renvoyant ce volet civil de l'affaire à la cour d'appel de Versailles.
Jérôme Kerviel, devenu le symbole des dérives de la finance, a été reconnu coupable d'avoir dissimulé - en introduisant de fausses données dans un système automatisé - ses prises de risques sur des produits financiers dérivés.
L'ex-trader assure que sa hiérarchie avait connaissance de ses agissements.
En mai, des révélations de Mediapart avaient ravivé le débat sur ce point. Le site d'informations avait en effet cité une policière chargée de l'enquête, qui dit avoir la "certitude" que les supérieurs de Jérôme Kerviel ne pouvaient ignorer les manoeuvres de ce dernier.