par Chine Labbé
PARIS (Reuters) - L'Association française des victimes du terrorisme (AFVT), qui expérimente depuis février un programme d'accompagnement de détenus radicalisés dans deux prisons d'Ile-de-France, estime avoir réussi à "déclencher un changement d'attitude" chez certains.
Dans un entretien à Reuters, Guillaume Denoix de Saint Marc, directeur général de l'AFVT, se félicite des résultats "très positifs" de cette expérience, qui entre dans sa seconde phase.
Après le suivi d'un premier groupe de 15 détenus dans chaque prison, sélectionnés après entretien sur la base du volontariat, un bilan d'étape a été effectué par l'association, qui recrute en ce moment les prochains "cobayes".
"On estime que l'expérience est très positive, c'est conforme à nos attentes", dit Guillaume Denoix de Saint Marc. "On a réussi à fidéliser le groupe (...) et à déclencher un changement d'attitude."
Mandatée par le ministère de la Justice avec une autre association pour tenter d'entraver le discours radical derrière les barreaux, l'AFVT travaille avec l'ensemble des équipes pénitentiaires des maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne) et d'Osny (Val-d'Oise).
En France, 213 personnes sont écrouées pour des faits de terrorisme lié à l'islam radical, qu'elles soient condamnées ou en attente de leur procès, selon un bilan établi à la mi-août par la chancellerie. Parmi eux, 33 ont déjà été incarcérées par le passé.
La mission de l'AFVT, dotée d'une enveloppe de 110.000 euros, doit en théorie s'achever fin janvier 2016.
"Il ne s'agit pas de s'attaquer à ceux qui sont les plus radicalisés", reconnaît Guillaume Denoix de Saint Marc, qui préfère commencer par ceux qui sont "plus facilement récupérables".
CRÉER UNE "BRÈCHE" DANS LEURS CERTITUDES
Le groupe, encadré par des associatifs, est toutefois hétérogène à dessein, indique-t-il. On y trouve des "leaders positifs" mais aussi des "leaders négatifs" qui veulent "ramener les autres vers encore plus de radicalité".
Le "stage", au cours duquel les détenus se retrouvent plusieurs fois par semaine pour des groupes de parole avec des intervenants extérieurs, dure un mois.
Parmi les invités, des experts en géopolitique, des surveillants de prison, des référents religieux, des victimes du terrorisme, ou encore d'anciens détenus.
"Le but, c'est d'arriver à créer une brèche dans les certitudes de ces personnes", dit Guillaume Denoix de Saint Marc. Et petit à petit, les amener à avoir un projet personnel.
"On ne va pas ramener quelqu'un sur le droit chemin en un mois de groupe de parole, ce qu'on veut c'est déclencher un processus pour amener (cette population) à rentrer dans des programmes qui existent déjà" en prison, mais dont ils sont généralement peu "clients", ajoute-t-il.
A l'administration pénitentiaire d'assurer ensuite leur suivi.
"On sait qu'il y a un changement de comportement, maintenant il faut voir s'il est pérenne, car à tout moment il est réversible", souligne le directeur général de l'AFVT.
Ce programme, qui a suscité l'intérêt de localités néerlandaises et danoises selon Guillaume Denoix de Saint Marc, devrait être évalué par le gouvernement en début d'année prochaine.
(édité par Yves Clarisse)