par Emmanuel Jarry
LE BOURGET, Seine-Saint-Denis (Reuters) - La conférence de Paris sur le climat s'est engagée lundi dans une phase décisive avec l'entrée en scène des ministres chargés de poursuivre les négociations, qui ont quatre jours pour rendre un arbitrage politique sur de nombreux points en suspens.
Des ministres désignés par le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, pour animer des groupes de travail ont rendu compte en début de soirée de leurs premières consultations pour tenter de dégager des solutions, sur la base du brouillon d'accord fourni samedi par les négociateurs des 195 pays participants.
Ces "facilitateurs" ont fait état d'une volonté générale de compromis et de progrès mais aussi de divergences persistantes.
La 21e conférence des parties signataires de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) est considérée comme une des dernières chances d'orienter la planète vers une économie sobre en énergie fossile, avant que son réchauffement ne prenne des proportions catastrophiques.
L'objectif est l'adoption vendredi d'un accord universel et contraignant en bonne et due forme sur la lutte contre les dérèglements climatiques.
Le chef de la diplomatie française et président de cette COP21 a insisté toute la journée sur la nécessité d'avoir une "première vision d'ensemble" du texte final mercredi.
"On a réussi jusqu'ici à dormir un peu mais à partir de ce soir c'est terminé, on entre dans le chaud", a confié un proche collaborateur de Laurent Fabius, anticipant plusieurs nuits de travail d'ici vendredi.
Une vingtaine de box équipés de canapés ont été aménagés dans cette perspective dans une salle plongée dans la pénombre, à l'étage de la présidence de la COP21, pour permettre aux membres de la délégation française de prendre un peu de repos.
Laurent Fabius a reçu toute la journée délégations et responsables politiques, dont le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, de nouveau de passage à Paris.
"MOMENT DE VÉRITÉ"
"Pour l'instant, on a un capital de confiance exceptionnel, surtout pour un pays développé (alors que) l'essentiel des gouvernements viennent de pays en développement", a estimé entre deux rendez-vous la négociatrice française, Laurence Tubiana.
"Il ne faut pas gâcher ça", a-t-elle ajouté. "Aujourd'hui c'est vraiment le moment de vérité."
Les principaux points d'achoppement concernent le traitement différencié des Etats, les questions financières, les objectifs à long terme, la révision des engagements nationaux et les actions à entreprendre d'ici l'entrée en vigueur du futur accord, en 2020.
Le projet d'accord hésite encore à ce stade, par exemple, entre contenir la hausse de la température moyenne de la planète "en dessous de 1,5°C", ce que souhaitent les pays les plus vulnérables au réchauffement, ou "bien en dessous de 2°C".
Les pays en développement continuent en outre de demander aux pays développés, historiquement les principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES) responsables du réchauffement de l'atmosphère, de payer leur dette écologique par le biais d'une aide financière aux Etats les plus vulnérables et de transferts de technologie.
"L'idée générale est que les pays développés continueront à être les premiers bailleurs d'aide aux pays en développement", a ainsi dit le négociateur brésilien, Luis Figueiredo.
"Plusieurs parties ont déclaré ne pas avoir l'intention de créer de nouvelles obligations juridiques pour les pays en développement mais un encouragement à contribuer sur une base totalement volontaire", a-t-il ajouté.
Laurent Fabius s'est dit prêt à demander si nécessaire à d'autres ministres de jouer le rôle de "facilitateur" sur des points spécifiques.
Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, a appelé lundi matin les participants à accentuer leurs efforts, parce que "le temps presse avant une catastrophe climatique".
"A l'extérieur de ces salles de réunion, une vague mondiale est en train de se former en faveur d'un accord universel puissant", a-t-il déclaré. "Le monde attend de vous plus que des demi-mesures et des approches graduelles".
(Edité par Yves Clarisse et Gilles Trequesser)