par Angus McDowall et Andrew Torchia
RYAD (Reuters) - L'Arabie saoudite, ses finances mises à mal par la chute des cours de pétrole, a annoncé lundi son intention de couper dans ses dépenses, de procéder à des réformes structurelles et de lancer des privatisations en 2016 afin de réduire son déficit budgétaire qui a atteint un niveau record cette année.
Le projet de budget 2016 dévoilé par le ministère des Finances constitue la plus importante inflexion de la politique économique du royaume depuis des années et comporte des réformes politiquement sensibles devant lesquelles les autorités avaient jusqu'ici reculé.
Il indique aussi en creux que le pouvoir n'attend pas de redressement des prix du brut dans un avenir prévisible et se prépare au contraire à des années de maigres recettes pétrolières. En octobre, le Fonds monétaire international avait averti que le premier producteur de l'Opep serait à court d'argent d'ici cinq ans s'il ne se serrait pas la ceinture.
"Notre économie a le potentiel de relever les défis qui se présentent", a déclaré le roi Salman dans un discours, ajoutant que la loi de finances 2016 ouvrait une ère qui verrait le pays diversifier ses revenus.
Le déficit budgétaire saoudien a atteint 367 milliards de riyals (89 milliards d'euros ou 98 milliards de dollars) en 2015, soit 15% du produit intérieur brut. Le projet de budget 2016 prévoit de le ramener à 326 milliards de riyals, ce qui devrait dispenser Ryad de céder des actifs à l'étranger.
L'objectif des dépenses a été fixé à 840 milliards de riyals contre 975 milliards effectivement dépensés cette année. Le ministère des Finances a précisé qu'il passerait en revue une série de projets gouvernementaux pour s'assurer de leur nécessité et de leur efficacité.
Les recettes sont quant à elles prévues à 514 milliards de riyals, contre 608 milliards en 2015, ce dernier chiffre à mettre au regard d'un objectif initial de 715 milliards.
Les cours du pétrole se sont établis à 54 dollars le baril en moyenne cette année mais ils sont maintenant descendus à moins de 37 dollars.
5,9 MILLIARDS DE DOLLARS POUR L'INTERVENTION AU YÉMEN EN 2015
Le succès ou l'échec du projet de budget seront décisifs pour la crédibilité de l'Arabie saoudite sur les marchés financiers.
Avec le gonflement du déficit, le riyal est tombé à son niveau le plus bas depuis 1999 dans la crainte d'un abandon de son lien avec le dollar.
Le projet de budget prévoit un "ajustement" des subventions gouvernementales pour l'eau, l'électricité et les produits pétroliers sur les cinq prochaines années, une mesure politiquement sensible puisque le pouvoir a toujours maintenu les prix de ces produits à un bas niveau pour préserver la paix sociale.
Cet ajustement vise à préserver les ressources naturelles et se fera avec le souci de minimiser les effets négatifs pour les catégories de population les plus fragiles et les classes moyennes, selon le document présenté par le ministère.
L'agence de presse officielle SPA a annoncé aussitôt un relèvement des prix du carburant qui prendra effet mardi, le litre de l'essence sans plomb avec un indice d'octane de 95 passant par exemple de 0,60 à 0,90 riyal, soit de 15 à 22 centimes d'euro.
Le projet de budget prévoit également des réformes économiques structurelles, y compris des privatisations, indique le document sans autre précision.
Il prévoit en outre l'instauration d'une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en lien avec d'autres pays de la région et le relèvement des taxes sur les sodas et le tabac.
Le plan alloue 213 milliards de riyals pour la défense et la sécurité, premier poste du budget avec plus du quart du total des dépenses prévues. En 2015, ces dépenses ont augmenté de 20 milliards de riyals (4,9 milliards d'euros) du fait notamment de l'intervention dans la guerre civile du Yémen, a indiqué le ministre de l'Economie et du Plan Adel Fakieh, livrant pour la première fois le coût de cette intervention réalisée pour l'essentiel au moyen de frappes aériennes.
(avec Marwa Rashad et Reem Shamseddine à Ryad et Céline Aswad et Katie Paul à Dubaï; Véronique Tison pour le service français)