par Alex Lawler
LONDRES (Reuters) - Des responsables de l'Opep estiment que le marché pétrolier va bientôt amorcer son rééquilibrage après avoir chuté à des niveaux sans précédent depuis 2003, ce qui implique que l'organisation n'entend pas revenir sur sa politique de non-réduction de la production si les producteurs concurrents n'y mettent pas du leur.
Le baril de brut est tombé à moins de 28 dollars le baril la semaine dernière alors qu'il culminait à plus de 100 dollars à la mi-2014, une dégringolade qui s'explique principalement par la saturation du marché mondial. La descente s'est accélérée lorsque l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a décidé fin 2014 de changer de stratégie et de défendre ses parts de marché plutôt que les prix.
La chute des cours a eu entre autres pour effet de ralentir l'essor de sources alternatives relativement onéreuses, comme le pétrole de schiste américain, et elle a obligé les compagnies pétrolières à repousser, voire annuler, des projets d'investissement massifs, au risque de retombées importantes sur l'offre pétrolière du futur.
"Nous pensons que nous allons encore subir un cycle de baisse des prix pétroliers mais que nous nous redresserons. Il est manifeste que le marché se rééquilibrera de lui-même parce que les prix pétroliers actuels ne peuvent en aucun cas se prolonger", a dit le ministre de l'Energie qatari, Mohammed al Sada, lors d'une conférence à Londres.
S'exprimant lors de la même conférence, le secrétaire général de l'Opep, Abdullah al Badri, a estimé lui aussi qu'il fallait se garder d'un trop grand pessimisme, évoquant les prévisions d'une nouvelle croissance de la demande mondiale cette année et d'une contraction de la production hors-Opep.
"Nous observons déjà des signes montrant que les fondamentaux de l'offre et de la demande commenceront à se corriger d'eux-mêmes en 2016", a-t-il expliqué.
Il avait déclaré auparavant que les pays pétroliers, qu'ils appartiennent ou pas à l'Opep, devaient coopérer pour régler le problème des stocks excédentaires afin de favoriser un rebond des cours et de stimuler les investissements dans de nouveaux gisements.
Jusqu'à présent, de gros producteurs hors-Opep tels que la Russie ont refusé de collaborer avec le cartel pour réduire la production, même si le sultanat d'Oman et l'Azerbaïdjan ont exprimé leur désir de le faire.
"Il est vital que le marché s'attaque au problème de l'excès de stocks", a déclaré al Badri. "C'est primordial pour renouer avec un marché équilibré".
CARACAS VEUT UNE RÉUNION D'URGENCE
Pour l'heure, le marasme du marché est particulièrement dommageable pour des membres de l'Opep tels que le Venezuela, très dépendant de la manne pétrolière et manquant des capacités nécessaires à une augmentation de la production.
Caracas a sollicité une réunion d'urgence de l'organisation pour débattre des moyens de faire remonter les cours. Mais les pays du Golfe membres de l'Opep, et en particulier l'Arabie saoudite, cheville ouvrière du changement de cap de 2014, ont jusqu'à présent opposé une fin de non-recevoir à ce type de demande.
Le ministre qatari, dont le pays occupe cette année la présidence tournante de l'Opep, a déclaré que la demande était examinée. "Nous avons reçu une demande et les ministres du Pétrole en discutent", a-t-il dit.
Alors même qu'on attend une baisse de la production hors-Opep cette année, celle de l'organisation pourrait augmenter avec l'arrivée du pétrole iranien sur le marché, à la suite de la levée des sanctions internationales, avec l'augmentation attendue de la production de l'Irak et avec le maintien de la politique de l'Arabie saoudite, qui ne semble nullement pressée de réduire une production proche de ses plus hauts historiques.
L'Irak pourrait produire jusqu'à quatre millions de barils par jour (bpj) à partir des gisements du sud du pays, a dit un responsable pétrolier irakien lundi. Bagdad produit actuellement de 3,7 à 3,8 millions de bpj tirés de ces gisements.
(Alex Lawler, avec Polina Devitt à Moscou; Juliette Rouillon pour le service français, édité par Marc Angrand)