PARIS (Reuters) - Cinq associations de défense de l'environnement ont demandé mardi en référé la suspension d'un arrêté préfectoral du préfet autorisant le site Alteo de Gardanne (Bouches-du-Rhône) à poursuivre ses rejets aqueux au-delà des seuils réglementaires, au coeur du parc national des Calanques.
Elles ont dénoncé devant le tribunal administratif de Marseille une "atteinte grave et immédiate" de l'écosystème marin, comptabilisant 53 substances polluantes rejetées en grande quantité à sept kilomètres au large de la côte.
"L'urgence est évidente, c'est celle de la protection de l'environnement et du milieu marin", a déclaré à la barre leur avocat, Benoît Candon.
La décision a été mise en délibéré à quelques jours, sans doute vendredi selon une source proche du dossier.
Le préfet a signé fin décembre un arrêté autorisant la société à continuer d'exploiter à compter du 1er janvier 2016 le site de Gardanne et autorisant, pour six ans, le rejet dans la mer d'effluents aqueux dépassant les limites réglementaires.
Cette décision a été désapprouvée par la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal.
Alteo a dénoncé fin janvier une "campagne de désinformation visant à contester le maintien de l'activité industrielle" de l'usine de Gardanne où, selon le groupe, une nouvelle station de traitement des eaux a permis depuis novembre de cesser définitivement le rejet de boues rouges en mer.
"Les boues rouges, on n'en parle plus si ce n'est de manière historique puisqu'elles ont cessé fin 2015", a confirmé à l'audience l'avocat du groupe, Alain Vidal-Naquet.
DÉCHETS "PAS DANGEREUX", SELON L'ETAT
Il a précisé qu'Alteo avait consacré 27 millions d'euros en trois ans pour arrêter le rejet de boues rouges en mer.
Selon la société, le nouveau procédé d'exploitation du site aboutit à la réduction du flux de métaux rejeté de plus de 99%.
"Le mécanisme de rejet est le même, mais les composants sont différents", a indiqué l'avocat de l'entreprise, estimant qu'il n'existait "aucune preuve" de la toxicité des rejets actuels.
"Les déchets ne sont pas inertes, mais ils ne sont pas dangereux", a souligné à la barre un représentant de l'Etat pour justifier l'arrêté.
L'usine d'alumine, qui représente 440 emplois directs et 300 indirects, bénéficiait depuis 1966 du droit de rejeter les résidus solides du traitement de la bauxite à une profondeur de 230 mètres dans un canyon marin au coeur du parc national.
"Alteo exerce un chantage à l'emploi pour mettre l'Etat au pied du mur", a dit Me Benoît Candon.
Le conseil d'administration du parc avait donné en septembre 2014 son feu vert sous conditions à la poursuite du rejet des effluents liquides résiduels pendant 30 ans.
Ségolène Royal s'était opposée à cette autorisation et avait annoncé la mise en place d'une enquête publique. Le préfet dit avoir suivi l'avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) rendu au terme de cette enquête.
La ministre a été saisie fin janvier d'un recours hiérarchique qu'elle doit instruire dans les deux mois.
L’usine Alteo produit depuis une cinquantaine d'années de l’alumine à partir de la bauxite. Le groupe, propriété depuis 2012 du fonds d'investissement américain HIG, a déversé vingt millions de tonnes de boues rouges sur plus de 2.000 km2 de fonds marins.
"Alteo, c'est le contre-exemple de la COP21 avec un procédé industriel qui date de Zola", a conclu Benoît Candon.
(Jean-François Rosnoblet, édité par Yves Clarisse)