PARIS (Reuters) - Les organismes français responsables de la sûreté nucléaire ne disposent pas des ressources nécessaires pour remplir l'ensemble de leurs missions, déclare le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans un entretien publié dans l'édition de mardi du quotidien "Le Monde".
Trente ans après la catastrophe de Tchernobyl en 1986, Pierre-Franck Chevet souligne qu'"un accident majeur, comme ceux de Tchernobyl ou de Fukushima, ne peut être exclu nulle part dans le monde, y compris en Europe, même si nous faisons tout pour le prévenir."
Mais il s'inquiète surtout d'un contexte "particulièrement préoccupant" pour la sûreté nucléaire en France, du fait des "graves difficultés économiques, financières ou budgétaires des acteurs industriels du nucléaire", qui surviennent alors que 150 installations (réacteurs d'EDF (PA:EDF), sites d' Areva (PA:AREVA) mais aussi réacteurs de recherche du Commissariat à l'énergie atomique, CEA) ont été mis en service il y a près de quarante ans.
"La question est de savoir, en particulier pour les réacteurs, s'ils peuvent être prolongés, avec des normes de sûreté rehaussées", ce qui nécessitera non seulement "un très gros travail d'analyse" préalable mais aussi "un contrôle renforcé de l'ASN", observe Pierre-Franck Chevet.
Mais l'ASN et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (ISRN) "n'ont actuellement pas les ressources nécessaires pour assurer pleinement leurs missions de contrôle".
Faute d'avoir obtenu les 150 postes supplémentaires réclamés au gouvernement, ce qui représente selon le président de l'ASN un budget d'environ 20 millions d'euros, les deux organismes sont "contraints d'arbitrer entre (leurs) priorités, en privilégiant les installations en activité par rapport à celles en construction."
"Cette situation n’est pas satisfaisante", déclare-t-il.
D'autant plus qu'un contrôle renforcé sera nécessaire pour suivre les travaux visant à éventuellement prolonger la durée de vie de certaines installations, qui vont demander de lourds investissements à une filière nucléaire encore en cours de réorganisation.
"Pour l'instant, il n'y a pas de signaux alarmants qui indiqueraient que la sûreté se dégrade en France. Mais la situation peut dériver dans les années à venir. Il nous faut rester extrêmement vigilants", note le président de l'ASN.
(Myriam Rivet, édité par Yves Clarisse)