Cannes pendant le festival, c'est plus de 5.500 chambres d'hôtel, mais aussi des milliers d'appartements sur des plateformes en ligne comme AirBnB... Une manne pour les Cannois dont certains ont fait de ces locations en ligne une véritable profession, à la barbe des hôteliers.
"Pendant le festival, j'ai eu des Américains, des Anglais, des Japonais", raconte Camille, une retraitée qui se partage entre son appartement parisien et son studio cannois qu'elle déserte chaque année pendant le festival.
Ses locataires, "toujours nickel", lui permettent de "payer (ses) charges" : l'an dernier, elle a gagné 2.800 euros en louant son grand studio "juste derrière la Croisette" doté d'une salle à manger de 18 m2 et d'une véranda fermée.
"On compte aujourd'hui 4.000 logements disponibles à Cannes, soit près de deux fois plus que l'année dernière", précise une porte-parole d'AirBnB. Et malgré les attentats de Paris en novembre 2015, qui pèsent sur le climat cannois, AirBnB accueillera "2,5 fois plus de voyageurs" que l'an dernier.
Ce sont "les grands évènements qui attirent les voyageurs" et les onze jours du Festival de Cannes constituent l'un des "plus gros pics de fréquentation" avec neuf fois plus de voyageurs accueillis que d'ordinaire, ajoute la porte-parole.
Même tendance chez l'un des principaux concurrents de la plateforme américaine, le Français Sejourning, qui dit recevoir de nombreuses sollicitations d'agents de films souhaitant loger leurs équipes.
"L'offre d'hôtellerie est vite complète et très chère à Cannes. Et dans un appartement, on peut regrouper davantage de personnes", ce qui intéresse les équipes de cinéma qui voyagent en groupe, explique Alexandre Woog, patron de Sejourning.
- Vue sur le tapis rouge -
Pour peu qu'un appartement soit bien placé, les prix peuvent s'envoler.
Pour un 44 m2 en face du Palais des Festivals, avec vue sur les palmiers, le tapis rouge et la mer, Julien demande 11.643 euros. Un tarif de base à 800 euros la nuit, contre 230 euros le reste de l'année.
Les locataires "sont des gens de l'industrie du cinéma", les stars elles-mêmes louant des chambres dans des palaces, des maisons ou des villas, explique-t-il. Débourser 12.000 euros pour un appartement AirBnB, ça ne représente "qu'une goutte d'eau dans le business" d'un producteur, affirme-t-il.
Julien Tabore, lui, a fait de ces locations en ligne un métier et fondé son entreprise, Canne's BnB, qui propose 25 appartements pour le compte de propriétaires sur la plateforme.
La semaine du festival, il affiche complet : "le mois de mai à Cannes, c'est vraiment le plus intense", avec 30% du chiffre d'affaires annuel en deux semaines. "J'ai des réalisateurs, des producteurs", détaille-t-il, se souvenant d'un cinéaste roumain "très sympa... dont le film était un vrai navet".
"Le client type est un étranger, un homme entre 30 et 40 ans, qui travaille dans le monde du cinéma et qui cherche un appartement à prix raisonnable. Ce n'est pas la même demande que les palaces, on est vraiment en complément", avec des prix qui vont de 150 à 300 euros la nuit, dit-il.
-Concurrence-
"J'ai fait un effort sur le prix pour un couple d'Iraniens au budget serré, qui vient présenter un court-métrage. C'était important pour eux de venir", raconte-t-il.
Mais avec de plus en plus d'appartements proposés en ligne, certains commencent à avoir du mal à trouver preneur pour toute la durée du festival.
Micheline Susa, propriétaire d'un studio - "pas très bien placé", elle en convient - avait gagné 1.400 euros il y a trois ans en accueillant pendant dix jours un festivalier. Cette année, elle n'a trouvé à louer que cinq jours à une mannequin philippine.
Du côté des hôteliers, on regarde cette concurrence d'un bien mauvais oeil, même si l'on ne se fait pas de réel souci pour la période du festival où plus de 90% des chambres sont réservées dès le démarrage.
"Comme partout, il y a de plus en plus (d'appartements sur) Airbnb", constate Michel Chevillon, président du Syndicat des hôteliers de Cannes. Selon lui, l'hôtellerie économique peut en souffrir, avec des festivaliers qui vont "à cinq ou dix dans des appartements" loués sur internet, plutôt qu'à l'hôtel.