PARIS (Reuters) - Pour Manuel Valls, le caractère islamiste de la tuerie de Nice et la radicalisation expresse de son auteur, abattu par la police au bout d'une course folle au volant d'un camion qui a fait 84 morts jeudi soir, ne font aucun doute.
Dans une interview publiée par Le Journal du Dimanche, le Premier ministre dénonce par ailleurs une "dérive démagogique" d'une partie de la droite, qui a mis en cause le gouvernement dans cette affaire.
Le groupe Etat islamique (Daech) a revendiqué samedi cet attentat en présentant son auteur, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, tunisien vivant à Nice, comme un de ses "soldats".
"L'on sait maintenant que le tueur s'est radicalisé très rapidement", déclare Manuel Valls. "La revendication (...) de l'Etat islamique, la radicalisation rapide du tueur, viennent confirmer le caractère islamiste de cette attaque."
Pour lui, l'attentat de la Promenade des Anglais s'inscrit dans un des modes opératoires de Daech consistant à encourager le passage à l'acte d'individus inconnus des services de renseignement, puis à approuver a posteriori leurs actions.
"Daech fournit à des individus déséquilibrés un kit idéologique donnant sens à leurs actes. L’enquête devra le démontrer mais c’est sans doute le cas de l’attentat de Nice", explique Manuel Valls, selon qui "ce sont les cas les plus difficiles à détecter" et à "anticiper".
Dès les premières heures, après l'attentat de jeudi, des élus et dirigeants de droite ont accusé le gouvernement de n'avoir pas fait le nécessaire pour éviter ce type d'actes, huit mois après ceux du 13 novembre qui ont fait 130 morts à Paris.
La polémique fait notamment rage entre le ministre de l'Intérieur et le président Les Républicains de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Christian Estrosi, sur le nombre d'agents de la Police nationale mobilisés pour assurer la sécurité du feu d'artifice du 14-Juillet, à Nice.
Selon Bernard Cazeneuve, 64 agents de la police nationale, 42 policiers municipaux et 20 militaires étaient mobilisés, ce que conteste l'ex-maire de Nice.
"TRUMPISATION DES ESPRITS"
"Lorsque le ministre de l'Intérieur dit qu'il y avait suffisamment d'effectifs de police, c'est un flagrant délit de mensonge (...) Il dit qu'il y avait 64 policiers nationaux. C'est faux (...) L'enquête le démontrera", a-t-il dit à iTELE.
Dans le JDD, Manuel Valls appelle les élus et dirigeants politiques à la dignité dans cette situation troublée.
"Si certains dans l’opposition s’y refusent, si même ceux qui étaient considérés comme modérés participent à cette dérive démagogique, c’est très grave. Les Français ne l’accepteront pas", ajoute-t-il, dans une allusion à Alain Juppé, candidat à la primaire de la droite pour la présidentielle de 2017.
Le maire de Bordeaux avait dit d'abord que "si tous les moyens avaient été pris, le drame n'aurait pas eu lieu". Il revient à la charge dans une interview accordée au Parisien Dimanche.
"Je connais la difficulté de la tâche mais le fatalisme n'est pas une politique", déclare-t-il. "Il faut passer à la vitesse supérieure dans ce combat."
Réplique de Manuel Valls : "Expliquer que si on avait mis plus de moyens aurait empêché l'attentat de Nice, c'est mentir à nos concitoyens et ne rien comprendre à la nature du défi."
"Tout débat est légitime mais l’attitude qui consiste à mettre en cause l’unité du pays fait le jeu des terroristes", ajoute le Premier ministre, qui évoque un "risque de fracture" et de dislocation de la société française.
Il cite l'existence de groupes d'extrême droite qui ont, selon lui, le même intérêt que Daech à chercher l'escalade, et dénonce la tentation de remettre en cause l'état de droit.
"La réponse à l'Etat islamique ne peut pas être la 'trumpisation' des esprits", souligne-t-il en se référant au fantasque candidat républicain à l'élection présidentielle américaine, Donald Trump. "Le laisser-aller, les facilités de l'opinion, les tentations populistes sont des poisons."
(Emmanuel Jarry)