Le projet de budget 2017, qui sera présenté mercredi en Conseil des ministres, vient clore un quinquennat marqué par une forte activité fiscale, avec des décisions parfois contradictoires ou illisibles.
Défiscalisation des heures supplémentaires, taxe à 75% sur les très hauts revenus, crédit d'impôt et de compétitivité emploi... De son arrivée au pouvoir jusqu'à sa dernière année de mandature, François Hollande a multiplié les recours aux leviers fiscaux pour mettre en oeuvre sa politique.
"Depuis cinq ans, on a eu une forte activité fiscale", avec des "successions de mesures importantes", tant pour les ménages que pour les entreprises, résume à l'AFP Antoine Bozio, directeur de l'Institut des politiques publiques (IPP).
Une politique fiscale à la fois frénétique, et animée par des vents contraires: de fortes hausses d'impôts au début du quinquennat, puis des allègements, principalement pour les entreprises, mais aussi pour les ménages, à partir de fin 2013.
"Il y a eu deux phases successives, avec à chaque fois des lignes directrices différentes", analyse Michel Taly, auteur des "Coulisses de la politique fiscale", qui rappelle que seule la première "correspondait au programme présidentiel".
Ces hausses d'impôts, destinées à assainir les finances publiques, ont été telles que même le ministre de l'Economie de l'époque, Pierre Moscovici, s'en est ému, reconnaissant en août 2013 un "ras-le-bol fiscal" au sein de la population.
- 'Erreur originelle' -
C'était "la seule modalité efficace à court terme de redressement des comptes", a justifié récemment le ministre des Finances Michel Sapin: "La France, comme ses partenaires européens, ne pouvait pas continuer de vivre sous la menace de ses créditeurs et risquer de perdre sa souveraineté économique et budgétaire".
Ces hausses fiscales, bien que ciblées sur les revenus les plus élevés, ont été lourdes de conséquences. Selon l'Observatoire français de conjoncture économique (OFCE), la politique budgétaire du quinquennat a ainsi freiné la reprise, amputant la croissance de 0,8 point par an en moyenne entre 2012 et 2017.
"Le rythme de réduction du déficit a été trop rapide", souligne à l'AFP le président de l'institut, Xavier Ragot, qui évoque une "erreur originelle partagée au niveau européen". Au moment où les hausses d'impôts ont été décidées, "la reprise était encore fragile: du coup, on a calé dans la côte", ajoute-t-il.
Les gestes fiscaux qui ont suivi, bien qu'importants, n'ont pas effacé totalement l'effet des premières décisions. Selon l'OFCE, les ménages auront ainsi vu leurs impôts augmenter de 35 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat, alors que les entreprises auront pour leur part bénéficié de 20,6 milliards d'allégements.
- "à en perdre son latin" -
Au-delà de ce pêché originel, la politique fiscale de François Hollande est critiquée pour son manque de lisibilité, en raison notamment de décisions contradictoires, comme la taxe à 75%, instaurée, retoquée, remodelée et finalement supprimée.
"Contrairement à ce qui avait été annoncé, les réformes n'ont pas contribué à clarifier le système fiscal", souligne Antoine Bozio. Un défaut récurrent des politiques économiques en France, mais particulièrement marquant sur ce quinquennat.
"Il y a eu des hésitations. Le cas typique, c'est celui des +pigeons+ (entrepreneurs issus des nouvelles technologies, qui protestaient contre la taxation des plus-values sur les cessions de société, ndlr)", abonde Didier Laforge, directeur du département droit fiscal au sein du cabinet Fidal.
Un avis partagé par François Asselin, président de la CGPME: "Sur la fiscalité, on ne sait plus du tout où on en est. Il y a longtemps qu'on en a perdu notre latin".
Même sur l'impôt sur le revenu, les décisions n'ont pas toujours été lisibles. Ajout d'une tranche à 45%, remise forfaitaire, suppression de la première tranche à 5,5% ou encore réforme de la décote... L'exécutif a fait preuve d'une inventivité sans bornes.
"François Hollande est un très bon technicien de la fiscalité", reconnaît Michel Taly. "Mais il a sans doute eu tendance à en abuser".