Suspendus depuis décembre à la crise en Côte d'Ivoire, négociants et analystes s'attendent à ce que la chute de Laurent Gbagbo débouche sur une reprise rapide des exportations de cacao et apaise la flambée des cours, mais le retour à la normale pourrait prendre du temps.
"Le cacao ivoirien ne devrait pas tarder à retrouver le chemin des marchés. Des stocks très importants se sont accumulés dans le pays et attendent d'être commercialisés", a indiqué à l'AFP Sudakshina Unnikrishnan, analyste de Barclays Capital.
Durant les quatre mois de conflit, la récolte de cacao s'est poursuivie et quelque 400.000 tonnes de fèves brunes se sont accumulées dans les ports ivoiriens d'Abidjan et de San Pedro.
Reconnu président de la Côte d'Ivoire par la communauté internationale, Alassane Ouattara avait appelé en janvier à un embargo sur les exportations de cacao, afin de priver son rival Laurent Gbagbo, accroché au pouvoir, de cette manne financière.
Cet appel, appuyé par des sanctions européennes et très suivi par les négociants, avait privé le marché du cacao ivoirien, alors que le pays, premier producteur de la planète, représente 35% de l'offre mondiale.
Le cours avaient immédiatement flambé, grimpant début mars à leur plus haut niveau depuis 1979 à New-York, à 3.775 dollars la tonne.
Mais ils ont dégringolé de près de 10% depuis début avril, les opérateurs anticipant la victoire du camp Ouattara et l'afflux sur le marché des immenses stocks ivoiriens.
Dès vendredi, l'Union européenne a levé ses sanctions sur les ports de Côte d'Ivoire, décision qui a réjoui les principaux négociants du secteur.
De son côté, Alassane Ouattara a annoncé mercredi que les exportations de cacao allaient redémarrer "immédiatement", assurant que le port d'Abidjan était "sous contrôle".
"Nous applaudissons les signaux indiquant que nous pourrons bientôt reprendre les exportations. Pour l'instant, nous observons l'évolution de la situation et organisons notre logistique en fonction", a indiqué à l'AFP un porte-parole de Barry Callebaut, numéro un mondial du chocolat industriel.
Ses deux usines de transformation dans le pays sont restées en activité, mais, "en raison des restrictions, nous ne pouvions exporter ni les produits semi-finis, ni les fèves de cacao", a-t-il expliqué.
Même espoir du côté du géant de l'agroalimentaire américain Cargill, qui projette de recommencer ses exportations "dès que les conditions dans le pays le permettront".
"Nous espérons que la sécurité sera restaurée rapidement. Et nous attendons une clarification des autorités ivoiriennes: un élément clef pour reprendre les exportations sera le redémarrage du système bancaire local", paralysé par le conflit et des sanctions européennes, a ajouté un porte-parole de Cargill.
C'est là que le bât blesse: les professionnels redoutent que les ajustements nécessaires pour un retour à la normale prennent du temps, surtout si les violences persistent dans le pays malgré la chute du président sortant.
"Le problème du financement de la filière cacao, et donc des banques, doit être résolu avant de voir les ventes de cacao s'épanouir à nouveau", a confirmé Mme Unnikrishnan.
Par ailleurs, "sur le plus long terme, il faudra s'attaquer aux difficultés chroniques que rencontre la production ivoirienne: vieillissement des plantations et faible usage des fertilisants", ce qui nécessitera d'importants investissements, a averti l'analyste.
L'Organisation internationale du cacao (ICCO) prévoit pour 2010-2011 une récolte en hausse de près de 7% en Côte d'Ivoire, à plus de 1.320 millions de tonne, en raison de conditions météorologiques exceptionnellement favorables.
L'ICCO continue de miser sur un surplus de production à l'échelle mondiale cette année, malgré une consommation robuste en hausse de 2,8%.