Le dernier budget du quinquennat de François Hollande, qui entame mardi deux mois de parcours à l'Assemblée nationale, promet de tourner au débat pré-électoral entre une majorité défendant sa "gestion sérieuse" et une droite critique d'"artifices", voire de "cadavres fiscaux".
A quelques mois des scrutins présidentiel et législatif, le traditionnel marathon fera apparaître les angles d'attaque de chaque camp. D'autant que s'il y a changement de majorité, il sera modifié par une loi de finances rectificative à l'été 2017.
Premier volet autour des prévisions macro-économiques, croissance et déficit en tête, et des recettes fiscales. La mesure fiscale la plus controversée, la réforme du prélèvement à la source, ne sera débattue qu'en novembre dans la seconde partie du budget, avec les dépenses, dans la mesure où elle ne s'appliquerait qu'en 2018.
L'exécutif, toujours soucieux d'éloigner le souvenir du "ras-le-bol" fiscal du début de mandat, a programmé une baisse d'un milliard d'euros de l'impôt sur le revenu, qui doit toucher cinq millions de foyers et prolonger le mouvement engagé en 2014.
Là où le ministre de l'Economie et des Finances, Michel Sapin, fidèle de François Hollande, insiste sur la volonté de "rendre aux Français une partie des efforts qui leur avaient été demandés" en 2012 et 2013, la droite dénonce des gestes "électoralistes".
"Le débat portera sur la sincérité du budget. Nous n'aurons cesse d'en dénoncer les mensonges", prévient le chef de file des députés LR Christian Jacob. Son homologue de l'UDI Philippe Vigier dénonce "une multiplication des artifices et tours de passe-passe".
A l'unisson du président LR de la commission des Finances, Gilles Carrez, l'objectif de retour dans les clous européens avec un déficit public à 2,7% du PIB (contre 3,3% en 2016) ne leur semble pas compatible avec les baisses d'impôt prévues pour les ménages et les entreprises d'une part et la hausse des moyens pour l'emploi, la sécurité ou l'éducation de l'autre.
La droite ne manquera pas d'invoquer l'avis du Haut conseil des finances publiques, qui a qualifié d'"improbable" la réduction du déficit en raison notamment d'une hypothèse de croissance de 1,5% "optimiste".
Des critiques rejetées par les pilotes de ce budget, qui insistent sur le "sérieux" et la "justice". "Tout sera financé", assure le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert, "nous n'avons pas l'intention de dilapider dans la dernière année du quinquennat tous les efforts faits depuis quatre ans".
Le gouvernement accusera assurément l'opposition de vouloir préparer les esprits à la "dégradation temporaire" des déficits publics prévue par la plupart des candidats à la primaire (jusque 4,7% du PIB pour François Fillon) vu les baisses d'impôts massives promises.
Et le commissaire européen aux Affaires économiques, le socialiste Pierre Moscovici, a "vivement" encouragé jeudi "les candidats sérieux à la présidentielle à ne pas jouer avec les 3%" autorisés.
Pour parvenir à ses objectifs, Bercy prévoit des efforts côté Sécurité sociale, des économies sur les charges d'intérêts, des rentrées plus fortes provenant de la lutte contre la fraude fiscale ou des effets de "trésorerie". Et certaines mesures, comme la hausse du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pour les entreprises, n'auront un impact sur le budget qu'en 2018.
- Les frondeurs moins présents -
Avec la présidentielle en vue, l'orateur socialiste Dominique Lefebvre espère que, "cette année, l'hémicycle ne sera pas transformé en congrès du PS". Les budgets précédents ont été marqués de vifs affrontements à gauche entre défenseurs et détracteurs d'une "politique de l'offre" favorable aux entreprises.
Si les frondeurs PS comptent encore s'abstenir, ils reconnaissent qu'il est trop tard pour réorienter la politique économique et avoir "comme tout le monde, la tête ailleurs". Ils concentreront leurs efforts, comme les écologistes, sur l'élargissement de la taxe sur les transactions financières pour augmenter le budget de l'aide au développement.
Au Front de gauche, André Chassaigne, "très critique" sur le budget, voit une "espèce de tricherie" dans la baisse de l'impôt sur le revenu vu "la hausse importante des impôts locaux".
De la taxe "YouTube" sur les revenus publicitaires générés par les vidéos en ligne à la fiscalité des actions gratuites, certaines mesures ajoutées en commission animeront aussi l'hémicycle.