par Simon Carraud
PARIS (Reuters) - François Fillon a rencontré mercredi Nicolas Sarkozy, en qui il voit un interlocuteur incontournable pour calmer la fronde sourde au sein des Républicains et tourner la page de l'affaire des emplois de son épouse à deux mois de la présidentielle.
Ce déjeuner entre le candidat officiel de la droite, fragilisé depuis trois semaines, et celui qui le tenait jadis pour un simple "collaborateur" s'est déroulé dans "une ambiance chaleureuse", dit-on dans l'entourage de François Fillon.
"Il est normal de faire un point avec l'ancien président dans le contexte d'une situation générale politique, économique, sociale, internationale extrêmement difficile", ajoute-t-on.
Pour l'ex-Premier ministre, la situation est particulièrement périlleuse sur le plan politique depuis les révélations du Canard enchaîné qui ont déclenché fin janvier une réaction en chaîne : sondages en baisse, colère d'une partie de l'électorat de droite, doutes persistants parmi les élus.
François Fillon s'est efforcé mardi d'éteindre une fronde naissante, menée essentiellement par des députés sarkozystes, Georges Fenech au premier rang, convaincus de la nécessité de trouver un remplaçant au vainqueur de la primaire.
Devant le refus du candidat de se désister et le manque de soutien parmi leurs collègues, les parlementaires les plus remuants ont annoncé lors d'une réunion de groupe à l'Assemblée nationale qu'ils renonçaient à réclamer la réunion d'un bureau politique des Républicains (LR).
Mais, sans aller jusqu'à exiger un "plan B", de nombreux élus continuent à exprimer leurs interrogations et à faire part de la difficulté à faire campagne au quotidien.
"ALLIANCE OBJECTIVE"
D'où la nécessité, pour François Fillon, d'entretenir le lien avec ses anciens concurrents dans la course à l'investiture, en particulier Alain Juppé, avec qui il s'est entretenu mercredi par téléphone, et Nicolas Sarkozy.
"C'est une sorte d'alliance objective afin de limiter la casse", a commenté un député LR. "Ça peut permettre à l'électorat sarkozyste de recoller à Fillon et ainsi de donner un bon coup de pouce."
C'est la deuxième fois depuis sa victoire à la primaire, fin novembre, que le député de Paris rend visite à Nicolas Sarkozy dans ses bureaux parisiens.
Sous le feu des critiques de plusieurs sarkozystes qui déploraient alors à haute voix la conduite de la campagne et le contenu du programme, François Fillon avait déjà fait le déplacement le 13 janvier. [nL5N1F340L]
Depuis cette date, les nuages n'ont cessé de s'accumuler au-dessus de l'ancien Premier ministre, dont le ciel s'est obscurci à mesure que paraissaient les révélations dans la presse et que progressait l'enquête préliminaire sur les rémunérations perçues par Penelope Fillon et deux des enfants du couple.
"OUVRIR LA PORTE À MARINE LE PEN"
Affaibli mais résolu, le candidat a affirmé à plusieurs reprises qu'il ne renoncerait pas, sauf dans l'hypothèse d'une mise en examen, mais cette persévérance n'a pas fait taire tous les sceptiques dans les rangs de la droite.
"J'ai asssisté hier (lors de la réunion de groupe-NDLR) à nouveau à une séance de calinothérapie autour de François Fillon, où personne ne veut lui dire la vérité ou très peu de monde. Partant de là, on va tout droit dans le mur", a fustigé mercredi le député Georges Fenech sur Radio Classique.
"On est en train (...) d'ouvrir la porte de l'Elysée à Marine Le Pen", a ajouté ce sarkozyste. [nL8N1G01D1]
A ses propres ennuis se sont ajoutés mardi ceux de son porte-parole Thierry Solère, qui a fait à son tour l'objet de révélations du Canard enchaîné portant sur des soupçons de fraude fiscale. [nL8N1FZ6JN]
Mais, pour l'heure, François Fillon conserve publiquement le soutien de l'ensemble des élus qui comptent à droite et au centre.
"Je ne pense pas que ce qui lui est reproché le disqualifie pour exercer la fonction de président de la République", a jugé mercredi le président des centristes de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, devant la presse parlementaire.
"Je ne suis pas sûr que les axes d'explication qui ont été choisis étaient bons au départ mais maintenant j'aimerais que l'on parle enfin des Français", a-t-il ajouté, tout en précisant que les discussions en vue d'une alliance se poursuivaient.
Déterminé à occuper le terrain, François Fillon devait tenir dans la soirée un meeting à Compiègne (Oise) en compagnie de Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, qui était jusque-là resté en retrait.
Plusieurs têtes d'affiche, comme Valérie Pécresse, François Baroin, Nathalie Kosciusko-Morizet et Gérard Larcher, doivent relayer le message à l'occasion d'une série de réunions publiques organisées partout en France jeudi et vendredi.
(Avec Emile Picy, édité par Yves Clarisse)