par Nidal al-Mughrabi et Emily Rose
GAZA/JÉRUSALEM (Reuters) - L'armée israélienne a intensifié ses bombardements dans le sud de la bande de Gaza dans la nuit de mardi à mercredi après l'une des journées les plus meurtrières pour les Palestiniens depuis le début du conflit et alors que la communauté internationale multiplie les appels à une pause pour permettre l'acheminement de l'aide humanitaire.
Les services de santé de Gaza, contrôlés par le Hamas, ont fait état de dizaines de morts dans les bombardements nocturnes, qui ont visé une zone où de nombreux habitants ont trouvé refuge après avoir été appelés par l'armée israélienne à quitter le nord de l'enclave pour ne pas être pris au piège de son offensive contre le Hamas.
Une frappe a notamment détruit plusieurs immeubles d'habitation à Khan Younis, au cours d'un bombardement d'une intensité sans précédent. "Nous n'avions jamais entendu une chose pareille auparavant", a déclaré Khader Abou Odah, un habitant.
La colère des Palestiniens face aux morts de civils est accentuée par un sentiment de trahison, puisqu'une partie des victimes récentes avaient obéi à l'ordre d'évacuation de l'armée israélienne. Cette dernière justifie ces bombardements par le fait que les combattants du Hamas cherchent à s'abriter au milieu des habitants.
Selon Israël, l'extension des bombardements aériens à la partie sud de Gaza a permis l'élimination de figures importantes du mouvement islamiste, dont son commandant pour la zone sud de Khan Younis, Taïchir Bebacher.
Des entrées de tunnels, des centres de commandement, des caches d'armes et des positions de tir de roquettes ont aussi été ciblés, ainsi qu'un commando du Hamas qui tentait d'entrer sur le territoire israélien par la mer près du kibboutz Zikim, a ajouté l'armée.
Dans la ville de Gaza, au nord de l'enclave, les secouristes ont extrait un jeune enfant inanimé des décombres d'un immeuble avant de venir en aide à un homme en partie enseveli qui criait les noms de sa famille.
"Ils vont bien, je le jure", a déclaré un secouriste dans une séquence vidéo de la scène.
LIBAN, SYRIE, CISJORDANIE
L'aviation israélienne a également indiqué avoir frappé des installations de l'armée syrienne en réponse à des tirs de roquettes depuis le territoire de cet allié de l'Iran, alimentant les craintes d'un embrasement régional.
Selon l'agence de presse syrienne Sana, le bombardement israélien a tué huit soldats et en a blessé sept autres près de la ville de Deraa, dans le sud-ouest du pays.
Israël n'a pas accusé l'armée syrienne d'avoir tiré les deux roquettes qui ont déclenché des sirènes de raid aérien sur le plateau du Golan occupé par Israël, laissant planer le doute sur l'identité des auteurs présumés des tirs.
L'armée israélienne a aussi bombardé le Sud-Liban, disant avoir ciblé des combattants qui se préparaient à tirer des roquettes ou des missiles antichars en direction du territoire israélien.
Le Hezbollah, soutenu lui aussi par l'Iran, a déclaré que trois de ses combattants avaient été tués, portant à 41 le nombre de morts dans ses rangs depuis le début du conflit.
La situation sécuritaire dégénère enfin en Cisjordanie occupée, où une centaine de Palestiniens ont déjà été tués, selon le ministère de la Santé de l'Autorité palestinienne.
Une fusillade a éclaté dans la nuit de mardi à mercredi entre des hommes armés et des soldats israéliens qui menaient une opération dans un village, selon l'armée israélienne, qui a appuyé ses hommes avec une frappe de drone. Trois Palestiniens ont été tués, selon les autorités locales.
PAUSE?
Alors que la situation humanitaire ne cesse de se détériorer à Gaza, les États-Unis et la Russie ont pour une fois lancé un appel similaire à une pause des combats pour permettre à la population civile de recevoir de l'aide.
Les livraisons limitées de nourriture, de médicaments et d'eau ont repris samedi via la frontière égyptienne, seul point de passage non contrôlé par Israël, qui impose un blocus total à la bande de Gaza depuis que le Hamas a massacré quelque 1.400 civils israéliens aux abords de l'enclave le 7 octobre.
Vingt camions ont traversé la frontière mardi soir, après des retards, mais les agences de l'Onu estiment que les besoins sont vingt fois supérieurs aux livraisons effectuées jusqu'à présent, qu'elles ont qualifié de "goutte d'aide dans un océan de besoin".
Washington plaide pour de courtes pauses des combats pour permettre l'acheminement de l'aide aux civils, tandis que la Russie préconise une trêve plus large. Israël a jusqu'à présent refusé l'une et l'autre de ces propositions, arguant que le Hamas ne ferait qu'en profiter pour se réorganiser et lancer de nouvelles attaques contre les civils israéliens.
Toujours sur le plan diplomatique, le Qatar qui mène une médiation entre le Hamas et Israël, en coordination avec les Etats-Unis, tente de convaincre le groupe palestinien de libérer les femmes et les enfants qu'il retient en otage sans attendre des concessions israéliennes, afin de faire preuve de sa bonne volonté, ont déclaré à Reuters trois diplomates et une source dans la région proche des négociations.
Le Hamas a jusqu'à présent relâché quatre otages : une mère et sa fille ayant la double nationalité américano-israélienne vendredi et deux femmes israéliennes lundi. Il en détient plus de 200 depuis son attaque du 7 octobre.
(Reportage de Nidal al-Mughrabi, Emily Rose, Andrew Mills, Michelle Nichols, Humeyra Pamuk ; rédigé par Grant McCool, Michael Perry et Philippa Fletcher ; version française Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)