par John Irish et Marine Pennetier
PARIS (Reuters) - La responsabilité du régime syrien dans l'attaque menée le 4 avril contre la ville de Khan Cheikhoune en Syrie ne fait pas de doute compte tenu du procédé de fabrication du gaz sarin utilisé, a déclaré mercredi Jean-Marc Ayrault, en présentant les résultats de l'enquête française.
Cette attaque qui a fait plus de 80 morts, dont de nombreux enfants, a suscité une vague d'indignation et d'émotion internationales et a conduit les Etats-Unis à riposter trois jours plus tard en bombardant une base aérienne syrienne.
Le président syrien Bachar al Assad a démenti toute implication de son armée dans l'attaque, accusant les pays occidentaux d'avoir "monté toute cette histoire" et assurant que la Syrie ne possédait pas d'armes chimiques
"Nous savons, de source certaine, que le procédé de fabrication du sarin prélevé est typique de la méthode développée dans les laboratoires syriens", a dit Jean-Marc Ayrault à la presse à l'issue d'un conseil de défense à l'Elysée.
"Cette méthode porte la signature du régime et c’est ce qui nous permet d’établir sa responsabilité dans cette attaque", a ajouté le chef de la diplomatie française. "Nous le savons parce que nous avons conservé des prélèvements d’autres attaques et que nous avons pu les comparer."
La France, a-t-il poursuivi, est en mesure de confirmer que le sarin employé le 4 avril est le même sarin que celui qui a été employé dans une attaque intervenue à Saraqeb le 29 avril 2013.
L’hexamine, un produit spécifique qui caractérise le sarin fabriqué par le régime syrien, a été retrouvé dans les prélèvements effectués lors des deux attaques, a souligné Jean-Marc Ayrault.
MANIPULATION DE L'OPPOSITION PAS CRÉDIBLE
Dénonçant une "violation claire" de la convention sur l’interdiction des armes chimiques, le chef de la diplomatie a prévenu que les auteurs "des atrocités" de Khan Cheikhoune et des autres attaques chimiques auraient à "répondre de leurs actes criminels" devant la justice.
Paris, qui soutient l'opposition modérée dans le conflit syrien qui a fait plus de 300.000 morts en six ans, pousse depuis trois ans en faveur de l'adoption de sanctions contre l'utilisation d'armes chimiques en Syrie.
Dans son rapport d'enquête, constitué de renseignements déclassifiés issus de sources propres, la France estime que la Syrie a maintenu une capacité de production ou de stockage de sarin malgré l’engagement pris par Damas de détruire l’ensemble de ses stocks et capacités.
Et selon les services français, seuls le président syrien et certains membres influents de son entourage sont habilités à donner l'ordre d'utiliser des armes chimiques.
Le 4 avril, un Sukhoi 22 a décollé le 4 avril de la base de Chayrat et a effectué jusqu’à six frappes sur la localité de Khan Cheikhoune, peut-on lire dans le rapport.
Les services français estiment également que la thèse d’une attaque à l’aide d’un agent neurotoxique le 4 avril menée par les groupes armés tout comme une mise en scène ou une manipulation par l’opposition ne sont pas crédibles.
Le gouvernement syrien est dans le collimateur de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l'Onu, qui ont mis en place en 2015 un mécanisme d'enquête conjoint (JIM) sur l'utilisation d'armes chimiques.
Une première enquête a conclu à l'emploi de bombes à gaz chloré contre des civils en 2014 et 2015 par les forces de Bachar al Assad, des accusations rejetées par le régime.
Elle a également pointé la responsabilité de l'Etat islamique (EI) dans l'utilisation du gaz moutarde en août 2015 contre la ville de Marea, au nord d'Alep.
(Edité par Yves Clarisse)